• Nul ne saurait dire encore aujourd’hui avec précision quand et qui lui permit d’aborder sur notre île. Les vieilles du village la surnommaient «Marie des Flots».

    Son visage, buriné par les embruns, était cependant d’une grande beauté. Ses yeux couleur d’océan vous fixaient longuement, comme s’ils vouaient déchiffrer votre âme. Et beaucoup détournaient la tête, troublés par ce regard.

    LES PORTES DE SAMAIN

    Pour les enfants chahuteurs et effrontés, elle était «l’estropiée aux mains de braises». Certains, en effet, jurèrent à leurs parents qu’ils avaient eu l’impression de frôler une flamme vive, l’espace d’un instant, quand les mains de la mendiante les avaient touchés.

    Marie marchait à grand peine. Ses jambes, noueuses et déformées, étaient terribles à voir. Au genou gauche, une plaie coulait sans arrêt. Elle passait donc la plupart de son temps, assise sur les marches de l’église, attendant une aumône compatissante.

    Le carême allait s’achever. Comme chaque dimanche, Thibaut s’apprêta pour assister à la messe. Et comme chaque dimanche, malgré les remontrances de Jeanne, sa dévote mère, Gauthier leur fils unique se fit attendre.

    C’était un adolescent de quinze ans, épris de liberté ! La mer exerçait déjà sur lui son puissant attrait, et il n’était heureux que lorsqu’il embarquait sur le bateau de pêche paternel. Rien d’autre ne l’intéressait, et l’obéissance n’était pas son fort.

    Il ne faisait guère de différence entre la foi et la superstition, et la messe était pour lui une corvée. Ayant essuyé une fois de plus les reproches paternels, il suivit père et mère de mauvaise grâce, le cœur sombre. A la sortie de l’office, il s’enfuit sans se soucier de la peine qu’il causait à ses parents.

    Thibaut et son épouse étaient profondément croyants. Comme chaque dimanche, ils donnèrent quelques pièces à Marie. Jeanne offrit en plus à la mendiante un pain qu’elle avait cuit tôt le matin, et quelques poissons que son mari avait ramené la veille de la pêche. Le regard de celle-ci s’attarda alors longuement sur eux.

    «Dieu vous protège, ainsi que votre fils !» murmura-t-elle, tandis qu’ils s’éloignaient déjà.

    §-§-§-§-§-§

    La semaine sainte arriva.

    Gauthier se montra de plus méchante humeur qu’à l’accoutumée. Il se fâcha avec son père le soir du Jeudi-Saint, quand celui-ci lui annonça qu’il ne retournerait en mer que le lendemain de Pâques. Thibaut, respectueux des coutumes ancestrales, avait décidé d’un commun accord avec son épouse, de faire également abstinence totale de nourriture le vendredi et le samedi saints.

    Gauthier n’aimait pas le renoncement. Il essaya donc vainement de fléchir son père, en prétextant que la pêche pourrait être une occasion supplémentaire de partage. Celui-ci ne fut pas dupe, et refusa énergiquement.

    «Qu’est-ce que deux jours de pénitence dans une année ? lui répondit-il. Respecte le repos dû aux jours saints, mon fils ! Courte privation vaut mieux que mâle mort !»

    Gauthier ne voulut rien entendre, et partit dans la nuit. Le lendemain, un voisin vit prévenir Thibaut. Son bateau, le «Sainte Anne», n’était plus à l’amarre.

    LES PORTES DE SAMAIN

    Le visage grave, celui-ci rentra dans sa demeure, annoncer la désobéissance de Gauthier à son épouse.

    «Dieu le prenne en pitié !» dit-elle simplement en se signant. Puis elle s’apprêta en silence pour la grande messe du jour.

    Elle assista à l’office le cœur serré, son intuition maternelle redoutant un malheur. A la sortie de l’église, son regard croisa à nouveau celui de Marie. Elle s’arrêta un instant, tira la dernière pièce de sa bourse et la mit dans la main de la mendiante. Marie retint celle de Jeanne un moment dans la sienne.

    «Ton épreuve est bien dure ! lui murmura-t-elle. Mais n’oublie pas que la foi sauve !»

    «Le Seigneur t’entende ! répondit Jeanne, et me ramène mon fils sauf. C’est mon seul désir.»

    Thibaut sortit et rejoignit sa femme. Ensemble, ils regagnèrent tristement le chemin de leur maison.

    L’horloge marquait trois heures, quand un voisin frappa à leur porte. Son visage était blême.

    «J’ai bien peur d’avoir à t’annoncer le malheur ! commença-t-il. Tout à l’heure, sur la plage, j’ai trouvé les débris d’un bateau. Je crains que ce ne soit le tien. Regarde !»

    Et il lui tendit, parmi ces débris, un morceau de coque. On pouvait y lire y un prénom : ANNE.

    LES PORTES DE SAMAIN 

    Thibaut sentit ses jambes se dérober sous lui. Jeanne, assise à l’autre bout de la table, se mit à pleurer doucement, tandis que l’involontaire messager du malheur quittait la pièce.

    Quand ils arrivèrent pour les vêpres ce soir-là, tout le village était déjà au courant. Les femmes entourèrent Jeanne et les pêcheurs se regroupèrent, en silence, autour de Thibaut. Chacun partageait dans son cœur leur immense chagrin. Au sortir de l’office, Jeanne se pencha vers Marie et lui dit :

    «Il n’a pas eu pitié ! Mon fils s’en est allé, maudit.»

    La mendiante lui fit alors une étrange requête.

    «Me permettras-tu de voir chez toi, ce soir, vers huit heures ?»

    Jeanne consulta Thibaut du regard. Celui-ci hocha la tête.

    «Va pour huit heures ! Nous viendrons te chercher, si tu veux.»

    «Non ! répondit la mendiante, avec un étrange sourire. Je connais le chemin qui mène à ta demeure. J’y viendrai sans faute.»

    §-§-§-§-§-§

    Quelques coups résonnèrent à la porte de Thibaut, quelques heures plus tard. La nuit était déjà tombée, et le froid qui montait de la mer toute proche se faisait vif. Jeanne ouvrit. Fidèle à sa promesse du matin, Marie entra dans leur maison.

    «Viens te réchauffer près du feu ! dit Thibaut en la voyant. As-tu faim ?»

    «Non, rassure-toi ! dit-elle en s’asseyant. D’ailleurs, je ne suis pas venue pour ça !» 

    Puis elle poursuivit :

    «Depuis mon arrivée sur l’île, tu as été le seul à pourvoir régulièrement à ma nourriture. Tu l’as fait avec bonté et sincérité. Ce soir, je vais donc t’aider à mon tour. J’ai appris le malheur qui te frappe. Je connais ton désir et celui de ta femme. Alors écoute-moi sans m’interrompre, et n’oublie pas ce que je vais te confier.

    Il n’y a qu’un seul moyen de ramener sauf ton fils en ce monde. Il demande un courage et une foi sans faille.»

    «Je serai prêt à tout braver pour cela !» lança Thibaut.

    «Alors soit !» reprit doucement Marie. Et tout en continuant, elle tint les deux mains calleuses du marin bien serrées dans les siennes.

    «Tu assisteras demain à la messe, en portant à ton cou la croix de ton baptême. Tu devras la conserver jusqu’à ton retour. Elle sera ta seule protection. Tu iras ensuite communier. Quand l’office sera fini, tu rentreras directement chez toi, sans parler à quiconque. A la nuit noire, tu te rendras seul, au rocher de Sainte Anne. Sa lumière te guidera jusqu’à la crique où est toujours amarré le noir vaisseau de l’Ankhou*.

    Monte-y sans peur, la croix par devers toi ! Il te demandera alors qui tu es et ce que tu désires. Réponds-lui :

    «Que t’importe ! Je possède en mon sein la Source de toute vie. Conduis-moi, en l’état, jusqu’aux portes de Samain, puis ramène-moi de même, avec mon fils !»

    Quand tu arriveras sur la grève des morts, descend et va chercher ton fils sans t’attarder, puis ramène-le à bord, sans une parole. N’oublie pas ! Sans une parole ! Sinon, tu le condamnerais à errer avec l’Ankhou jusqu’à ce qu’un autre infortuné, commettant la même faute, ne prenne sa place et le délivre. C’est seulement quand vous serez à nouveau sur la terre ferme que tu pourras le serrer dans tes bras, et lui parler sans crainte.»

    Marie relâcha son étreinte. Tandis qu’il l’écoutait, il avait senti un feu mystérieux couler dans ses veines.

    Sans aucune crainte, il répondit :

    «Je ferai tout ce que tu m’as dit !»

    «Qu’alors le Ciel tout entier te vienne en aide et te garde ! lui dit-elle doucement. Je dois partir maintenant. Repose-toi ! Tu auras besoin de toutes tes forces demain.»

    Elle se leva péniblement, bénit le couple, et disparut dans la nuit.

    §-§-§-§-§-§

    Le lendemain, Thibaut et Jeanne assistèrent à l’office. Au cou du marin, une croix d’or brillait. Il alla communier, demanda au prêtre sa bénédiction et regagna sa demeure, sitôt la fin de la messe.

    Jeanne restait inquiète et tourmentée.

    « Je voudrais être déjà à demain ! Quand même, qui lui a appris toutes ces choses. Je ne me sens pas tranquille, tu sais ! » murmura-t-elle à son époux.

    « Je ne sais pas qui elle est, ni d’où elle vient, mais j’ai confiance en elle. Ne veux-tu plus revoir Gauthier ? »

    « Si, bien sûr ! Mais se heurter à … »

    Le mot mourut sur ses lèvres. Elle se reprit, après un court silence.

    « A une telle force… N’est-ce pas pécher, par orgueil et présomption ? »

    « Dieu nous gardera ! Et si le temps te paraît long cette nuit, prie pour moi et pour lui. » répondit simplement Thibaut.

    Il sortit à la nuit noire. Le brouillard qui montait de la mer se faisait de plus en plus épais. Il trouva cependant sans mal le rocher, s’arrêta un instant et frissonna. L’obscurité était totale et il se demanda comment il pourrait continuer.

    LES PORTES DE SAMAIN

    Rien ne troublait le silence. Au loin, une cloche sonna. Il commença à compter machinalement.

    « Une, deux, trois… huit, neuf, dix, onze. »

    De nouveau, le silence s’installa.

    « Il est onze heures ! » se dit-il tout bas. Mais il n’eut pas le temps de raisonner davantage. Le rocher s’éclaira, un globe lumineux s’en détacha et commença à avancer.

    Thibaut suivit la lumière un moment. Elle était suffisante pour qu’il marche sans risques, mais trop faible pour qu’il puisse se repérer. Il avait perdu la notion du temps. Au bout d’un moment, le globe de lumière s’arrêta, immobile dans l’espace. Thibaut vit un sentier qui descendait devant lui. Un bateau était amarré, à quelques mètres de là.

    Serrant sa croix, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, il s’approcha puis grimpa à bord. La haute silhouette noire qui se tenait près du gouvernail s’avança.

    « Qui es-tu ? Que désires-tu ? »

    Thibaut répondit alors sans trembler :

    « Que t’importe ! Je possède en mon sein la Source de toute vie. Conduis-moi, en l’état, jusqu’aux portes de Samain, puis ramène-moi de même, avec mon fils ! »

    En voyant la croix d’or qui brillait au cou du marin, l’Ankhou eut un mouvement brusque de dépit, mais il hissa sa voile noire sans un mot, et largua l’amarre.

    Nul vent ne soufflait sur la mer et pourtant, le bateau filait rapidement au fil de l’eau.

    LES PORTES DE SAMAIN

    Thibaut essayait vainement de se repérer, mais rien ne lui était familier. Le temps semblait s’être figé.

    Au même moment dans la demeure familiale, Jeanne, agenouillée, récitait son chapelet.

    §-§-§-§-§-§

    Le voyage silencieux continua, puis Thibaut constata que le voilier commençait à ralentir. Il finit sa course peu de temps après. L’Ankhou, sans un mot, lui désigna du doigt la plage qui s’étendait devant lui.

    Thibaut se frotta les yeux plusieurs fois, pour se convaincre qu’il ne rêvait pas. Là, au milieu des rochers, se dressaient deux gigantesques portes d’ébène, qui bloquaient hermétiquement l’accès à une grotte.

    LES PORTES DE SAMAIN

    Une foule spectrale s’avançait lentement, en file indienne, attendant visiblement que celles-ci s’ouvrent pour entrer.

    « Pour entrer où ? » se demanda-t-il, l’espace d’un instant. Puis il aperçut parmi les spectres hagards, la silhouette de son fils. Il descendit alors vivement du bateau, courut sans s’arrêter, le tira par le bras et le ramena au voilier. Ils y remontèrent tous les deux en silence. L’Ankhou remonta l’ancre, un horrible rictus déformant ses traits blafards. Puis le vaisseau repartit sur la mer.

    La pleine lune éclairait les visages des trois voyageurs. Gauthier sembla sortir de sa léthargie. Il regarda d’abord son père intensément. La surprise se lisait sans peine sur son visage.

    « Papa, c’est bien toi ? » dit-il en tentant une première approche. Mais Thibaut le repoussa doucement, évitant maladroitement de croiser son regard.

    Gauthier alla se rasseoir, étonné de l’étonnante froideur de son père. Il essaya un moment après de réitérer son geste. Il reçut le même accueil. Thibaut refusa encore une fois son étreinte, le cœur serré.

    « Tu es venu me chercher, lâcha alors Gauthier dans un sanglot, mais tu ne me pardonnes pas, n’est-ce pas ? Je ne suis donc plus ton fils ? »

    Et les larmes se mirent à rouler sur ses joues livides.

    Thibaut ne put résister à son désespoir.

    « Tu es et tu resteras toujours mon fils. Je t’aime ! »

    Le rire démoniaque de l’Ankhou déchira alors la nuit. Le marin se rappela, trop tard hélas, la recommandation de la mendiante. Il sentit l’eau glacée le percer jusqu’aux os … et le noir voilier, sur lequel il était encore un instant auparavant disparut instantanément, emportant à tout jamais à son bord le fils de sa douleur.

    Thibaut lutta un moment contre les courants violents, mais ses forces l’abandonnèrent rapidement. Et il sombra dans l’inconscience.

    §-§-§-§-§-§

    Quand il se réveilla, longtemps après, le soleil était déjà à son zénith. Thibaut était couché sur le côté droit, près du rocher de Sainte Anne. Ses vêtements étaient encore mouillés et il frissonna violemment, en essayant de rassembler ses souvenirs.

    Le rire démoniaque de l’Ankhou résonnait toujours dans sa tête.

    Le marin s’adossa au rocher quelques instants, puis reprit lentement le chemin de sa maison. Il retrouva sans peine tous les endroits familiers de son village, mais quelque chose lui sembla néanmoins différent… sans qu’il soit capable de s’en expliquer la raison.

    En le voyant rentrer seul, Jeanne comprit qu’aucun espoir ne lui était plus permis désormais. Elle ne se résigna pas à la seconde perte de son fils unique, et mourut peu de temps après.

    On ne revit jamais sur l’île Marie, l’estropiée aux mains de braises. Et Thibaut passa le reste de son existence à chercher en vain le sentier qui menait au vaisseau noir de l’Ankhou, et aux portes de Samain.

    LES PORTES DE SAMAIN

     LES PORTES DE SAMAIN

     

     

     

    * L'Ankhou : Dans la culture bretonne, il désigne le messager de la Mort,  ou la Mort elle-même.

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  • LA GROTTE ENCHANTEE

    Leur château dominait tout le village. Il se dressait, au milieu d’un parc agrémenté ça et là de fontaines de marbre d’où jaillissait de petits ruisseaux d’eau, agréables en été. Tout au fond du parc, il y avait un jardin où poussait, au fil des saisons, des légumes et des fruits, ainsi que des fleurs de toutes sortes.

    Il était entretenu avec beaucoup de soin et d’amour par un homme au regard doux et tranquille, qui semblait être là depuis aussi longtemps que la demeure elle-même. Une petite grotte, fort ancienne, complétait le tableau, mais personne ne s’y intéressait plus. Elle faisait depuis si longtemps partie du paysage que plus une âme au château n’y faisait attention.

    L’hiver commençait mais à l’intérieur, depuis le matin, une ruche bourdonnante s’activait, semblant l’ignorer. L’heureux événement, si longtemps attendu, allait bientôt arriver... Ce n’était plus qu’une question d’heures.

    Le seigneur des lieux marchait nerveusement, de long en large, dans le petit salon bleu. Se fiant à la clepsydre, il regardait l’heure toutes les cinq minutes, et tendait l’oreille dés que des pas résonnaient dans l’escalier. Sa haute taille était crainte de la domesticité, tout autant que sa voix. Il voulait la perfection, toujours et à toute heure.

    Le dimanche, jour consacré tout entier à Dieu, était la seule distraction de la semaine, pour toute la cour des gueux.

    Monsieur rêvait depuis longtemps d’un garçon. Il se voyait déjà parader avec lui, partout dans le village... il en ferait l’héritier ! Devant lui, un jour, tous plierait l’échine. Il ne pouvait en douter un seul instant. C’état une évidence.

    Un long gémissement retentit dans la chambre du premier étage, et se mua bientôt en un cri inhumain. L’enfant de l’espoir, le petit être à la vie remplie par avance de promesses était enfin là !

    La porte s’ouvrit sur la sage-femme dont le visage, couleur de craie, reflétait à la fois l’angoisse et la peur à la vue du maître du logis.

    «Que se passe-t-il donc ? tonna sa voix, soudain inquiète. Est-ce que mon fils va bien ?»

    La femme, gênée, restait là, sans oser répondre ni faire un geste.

    «C’est que... votre femme a mis au monde une petite fille. Laissez-leur un peu de repos ! Elles sont toutes les deux bien fatiguées, vous savez !»

    Le visage qui lui faisait face et qu’elle n’osait approcher s’était brusquement durci. A l’intérieur du géant, la tempête faisait rage. Le souvenir, vieux de quelques années, d’une prophétie lancée à notre encontre un soir d’hiver revenait à sa mémoire.

    «... Vous n’êtes humain que par l’apparence ! Un jour, une enfant viendra briser votre rêve de pouvoir absolu... Votre famille sera détruite ! »

    Non, ce n’était pas possible ! Ces fadaises ne pouvaient pas se réaliser. Il voulait en être sûr. Il  repoussa donc la sage-femme, et entra vivement dans la chambre. Sans un regard pour son épouse qui gisait, épuisée, dans le grand lit à baldaquin souillé de larges tâches rouges, il se dirigea vers le berceau et saisit le nouveau-né. Une servante courageuse tenta de s’interposer.

    «Maître, vous la verrez plus tard... après le bain !»

    Une claque magistrale envoya la pauvre femme contre le mur.

    Le géant défit les langes qui avaient été mis sur l’enfant à la hâte, et poussa un cri de colère. L’enfant, nue, était de constitution normale, sauf sur son dos. Une croûte, épaisse et noire comme l’ébène, partait en effet de la nuque et descendait jusqu’à la chute des reins.

    «Malédiction ! Qu’on éloigne de moi cette chose, et vite !» dit-il en le remettant brutalement dans son berceau.

    Son épouse, alitée, le regarda un instant en silence. Puis sa voix fluette se fit entendre.

    «C’est notre fille ! Vous ne pouvez pas la rejeter comme on le fait d’un animal. Pensez donc à son âme ! Dieu nous punira, c’est sûr, si nous la délaissons. Et puis, il faut la baptiser. Elle est si faible ! Si elle ne devait pas survivre...»

    Elle regardait fixement son époux, tout en sachant pertinemment que rien ne changerait sa décision.

    «Il est hors de question que je fasse baptiser cette créature de la nuit ! Elle porte d’ailleurs sur son dos la marque du diable. Qu’on l’écarte pour toujours de ma vue ! Il n’y a pas eu de naissance aujourd’hui dans ce château. L’enfant que vous avez mis au monde est mort-née !»

    Puis il quitta la chambre, sans un regard pour le bébé qui pleurait dans les bras d’une servante. Le lendemain, il réunit tous les gens qui avaient assistés à la naissance de l’enfant, les menaçant de mort s’ils révélaient ce qu’ils avaient vus. Le secret maudit, pensait-il, ne serait ainsi jamais dévoilé.

     §-§-§-§-§-§

    Le châtelain en avait décidé ainsi, et son épouse se plia sans état d’âme à sa volonté. Elle avait, depuis son mariage, oublié tous ses désirs personnels. Seul comptait le prestige de son époux.

    Son visage, prématurément vieilli, semblait figé sous un maquillage trop blanc. Son sourire, à peine esquissé, ressemblait plutôt à une grimace. Elle regardait évoluer les êtres et les choses autour d’elle, sans vraiment les voir.

    Elle confia donc, sans aucun regret, sa fillette à peine âgée de quelques heures au couple de jardiniers qui l’accepta avec joie, car ils ne pouvaient pas avoir d’enfant ... Sans plus s’en soucier. L’étroite porte de son cœur, à peine entrebâillée, s’était déjà définitivement refermée. L’enfant grandirait près du château et ne serait plus tard qu’une servante de plus dans le domaine. Son triste destin semblait tracé d’avance.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    En rentrant dans leur masure, les deux époux se mirent à sourire. L’enfant de la prophétie était née. L’espoir était à nouveau permis.

    Le jardinier sortit de l’armoire rustique un petit coffret de bois, l’ouvrit et fit brièvement scintiller, à la lumière du soleil, un pendentif de cristal finement sculpté. Il glissa l’anneau dans la chaîne dorée et mis délicatement le bijou au cou du nouveau-né.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    «Tout commence aujourd’hui ! murmura-t-il pour lui-même. Ton chemin sera difficile, mais par toi reviendra la lumière. Tu es jolie. Nous t’appellerons Sophie.»

    L’enfant, qui paraissait dormir, ouvrit ses yeux d’un noir profond et sembla lui sourire. Le jardinier lui caressa doucement le visage, puis la confia ensuite aux bons soins de son épouse.

    §-§-§-§-§-§

    La vie continua dans la petite maison, adoucie par la présence de Sophie qui commençait à s’éveiller au monde qui l’entourait. Elle souriait sans cesse à l’approche du visage féminin qu’elle prenait pour celui de sa mère, et les bras de la paysanne la berçaient chaque soir, après la rude journée qui avait été la sienne.

    Vendue à dix ans à peine au riche châtelain, n’ayant pas peur de l’ouvrage, ses talents de cuisinière et de brodeuse l’avaient fait très vite remarquer de ses maîtres. Très vite, en plus de son travail, on lui envoya toutes les nouvelles jeunes filles, pour qu’elles soient formées le plus vite possible à toutes les tâches.

    Son époux, lui, s’occupait des jardins, depuis son enfance. Il vivait au rythme des saisons, calme, patient, et la terre lui rendait au centuple les soins a attentifs dont il l’entourait.  Depuis qu’il avait recueilli Sophie, son travail cependant lui parut plus facile. Les récoltes étaient très abondantes, comme si le Ciel le récompensait de son geste charitable.

    Les mois passèrent vite, bientôt suivis des premières années. Sophie essaya maladroitement de faire ses premiers pas, puis de babiller ses premiers mots. Le couple ravi la regardait grandir, le cœur un peu serré. Ils savaient qu’elle devrait bientôt affronter les rejets et le mépris, à cause de la malformation de son dos.

    Les autres enfants, en effet, ne comprenaient guère pourquoi elle ne participait pas à leurs jeux, ni même aux bains dans la salle d’eau, une fois par semaine. La curiosité, naturelle à cet âge, leur faisait imaginer mille choses folles. Les plus grands trouvaient étrange l’énorme écart d’âge entre la mère et la petite fille. Et certains relançaient le débat sur le bébé mort-né de la châtelaine, à l’abri des chaumières, au moment des veillées. Et si tout ne s’était pas passé comme il s’était dit alors ! La rumeur faisait lentement son chemin, dans certains esprits...

    Le secret fut partiellement percé, un soir de septembre.

    Un garçon, plus hardi que ses camarades, se faufila près de la fenêtre de la maison du jardinier, et jeta un coup d’œil furtif au moment du bain de la fillette. Il vit son dos, noir comme la nuit, épais, qui brillait dans l’eau et s’enfuit, effrayé. Puis il alla rejoindre son groupe de copains et leur raconta ce qu’il avait aperçu.

    La nouvelle se répandit ensuite dans le village, comme une traînée de poudre.

    Sophie, jusque là protégée de la bêtise et de l’intolérance, dut faire face aux quolibets et à la haine que sa différence engendrait. Les enfants des autres domestiques, bientôt suivis par leurs parents eux-mêmes, décidèrent de la rebaptiser méchamment : Carapace.

     LA GROTTE ENCHANTEE

    Sophie apprit très vite le sens du mot souffrance. Heureusement pour la petite fille, ceux qu’elle considérait comme ses parents faisaient tout pour la protéger de l’insondable bêtise humaine.

    Elle qui était à un âge où l’on aime naturellement partager et apprendre, se voyait toujours rejetée. Son cœur, calme en apparence, n’en souffrait pas moins terriblement. Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi les gens jugeaient uniquement sur l’aspect extérieur, et essayait désespérément d’aider ceux qui l’entouraient, en pure perte trop souvent… 

    Sa mère lui apprit donc seule la cuisine, les soins du ménage et la broderie. Quand elle eut fini son apprentissage, Sophie désira naturellement mettre ses talents au service du châtelain. Mais là encore, elle fut d’abord repoussée. On lui interdit de servir à table, et même de laver les couverts. Sa mauvaise réputation la précédait. Les adultes la considéraient maudite, à cause de sa marque noire, et avaient peur du prétendu mauvais œil qu’elle possédait.

    Il était pourtant un talent que la nature lui avait donné, et où elle ne trouva bientôt aucune rivale. Sophie avait en effet des doigts de fée, longs et fins, et excellait dans l’art délicat de la broderie.  Patiente, délicate, elle aimait passer des heures à voir naître sous ses doigts les motifs les plus variés. Elle ne laissait à personne le soin de l’assemblage, et les modèles ainsi créés avaient quelque chose de magique, qui forçait l’admiration de ses détracteurs même.

    Si elle était toujours tenue à l’écart du château, les commandes arrivaient cependant, par l’intermédiaire des proches de sa mère. Sophie passait ainsi la majeure partie de ces journées à broder robes et manteaux de cour ou de cérémonie, pour ceux-là même qui souhaitaient secrètement se débarrasser d’elle.

    Elle n’osait s’aventurer trop loin de la chaumière de ses parents ou de la grotte, à cause de la plupart des jeunes, qui ne perdaient jamais une occasion de lui jeter des pierres. Elle ne sortait brièvement que le soir, pour se laver dans la petite salle d’eau, commune à tous les domestiques, avec sa mère qui lui servait de refuge contre la mesquinerie ambiante.

    Les années passaient doucement, et ses parents vieillissants s’inquiétaient du jour où ils devraient la laisser seule, sans défense. Ils sentaient intuitivement la mort rôder autour d’eux, et cherchaient une solution qui mettrait définitivement Sophie à l’abri du danger.

    A l’heure où toutes les jeunes filles des alentours rêvaient de mariage, elle devina sans peine qu’il n’en serait sans doute jamais question pour elle. Qui oserait jamais aller au-delà des apparences et la regarder vraiment ?

    Elle avait certes beaucoup à offrir, mais personne ne voulait s’en apercevoir. S’enfermant alors tristement dans son chagrin secret, elle ne remarqua pas pour la première fois de sa vie, le regard que le jeune François posait sur elle, depuis quelques temps.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    Il fallut un déroutant et terrible concours de circonstances pour qu’elle en prenne conscience.

    §-§-§-§-§-§

    Sophie connut le plus grand chagrin de sa vie le jour de son dix-huitième anniversaire. Ceux qu’elle considérait avec respect et un amour infini, depuis sa plus tendre enfance, perdirent rapidement leurs dernières forces. Les privations, la maladie eurent raison de leur courage et ce soir-là, après avoir fait sa toilette, elle les retrouva épuisés dans leur pauvre cabane.

    Elle les mit tous les deux au lit et veilla sur leur sommeil, pressentant une séparation qu’elle sentait être prochaine et définitive. La fatigue finit par l’engourdir, et elle ne s’aperçut pas de la mort de sa mère.

    Le jardinier continuait de lutter. Il ne voulait pas partir sans que Sophie ne connaisse la vérité sur le secret de sa naissance, et il l’appela donc faiblement, à plusieurs reprises. La jeune femme sortit alors de sa torpeur et se mit à pleurer, en comprenant que sa maman ne répondrait plus jamais à ses caresses.

    «Ne crains plus rien pour elle ! lui dit-il doucement. Elle a enfin trouvé la paix. Écoute plutôt ! Le temps presse... les minutes passent... trop vite. Moi aussi... je vais bientôt partir. Mais de là où je serai, je te... protégerai... de ta véritable famille.»

    Sophie écarquilla les yeux, hurla presque : «Mais vous êtes ma famille !»

    «Non, petite ! répondit-il, dans un souffle. Si notre cœur t’a... toujours aimé comme notre chair, nous ne sommes... pourtant pas tes vrais parents. Tu es né... dans ce château, un... matin d’hiver, il y a... dix-huit ans aujourd’hui.

    Ton père t’a tout de suite rejetée... à cause d’une ancienne prophétie... qui lui annonça jadis qu’une fille... causerait sa perte ! Il voulut... te tuer, mais nous sommes... intervenus en ta faveur. C’est pour cela que depuis... il te craint.

    Méfie-toi de lui ! Garde précieusement... le pendentif que... j’ai mis à ton cou et... ne le perd pas surtout ! Il te guidera... peut-être... très bientôt.»

    Le dernier effort que lui avait coûté cette ultime confession l’acheva. Sa main retomba, inerte, dans celle de Sophie qui laissa alors libre court à sa douleur d’orpheline.

     §-§-§-§-§-§

    Le couple fut mis en terre, le lendemain après-midi, et Sophie connut la souffrance du rejet, une fois de plus. L’accès à l’église et au petit cimetière lui fut interdit, sous prétexte qu’elle n’était pas baptisée. La «fille de la nuit» comprit, ce jour-là, que plus rien ne serait jamais comme avant. Elle devrait maintenant se méfier de tous à chaque instant, pour garder le simple droit de vivre.

    La petite maison, qu’elle avait toujours habitée, lui sembla soudain immense.

    Elle regarda les deux lits vides, et se mit à pleurer doucement. Sa journée se termina dans la solitude, sans que personne ne se soucie d’elle.

    Le lendemain matin, Sophie décida d’aller voir la mère de François, qui habitait à quelques mètres de là. Sa maman morte, l’autre devenait en effet la plus ancienne des domestiques, et prenait désormais sa place, ravie de les commander tous.

    Elle n’eut pas le temps de parcourir tout le chemin que déjà, quelques pierres l’atteignirent. Elle protégea son visage mais resta digne, en attendant que l’orage passe.

    « Que viens-tu faire ici, sorcière ? Nous ne voulons pas de toi. Va-t-en d’ici, tout de suite !»

    «Attendez! supplia Sophie. Il ne me reste plus personne, et je dois bien manger. Donnez-moi du travail, s’il vous plait ! Je suis courageuse, et je ferai tout ce que vous voudrez.»

    «Il n’y a rien pour toi, ici. Nous ne voulons pas de tes mauvais sorts. Dégage !»

    Un coup de pied l’envoya par terre.

    Sophie, surprise de la trahison, se releva rapidement, et s’enfuit vers le refuge de son enfance. Elle comprit, à cet instant, que leurs mauvaises manières ne changeraient jamais.

    Cependant, le destin veillait sur l’orpheline.   

    Une semaine passa dans un calme relatif, quand le châtelain décida de passer commande d’un superbe manteau. Il exigea de l’avoir pour son anniversaire, et en confia le modèle aux brodeuses du village.

    Il voulait porter sur son dos les armoiries de cette famille dont il était si fier. Le bouquet de roses noires entrelacées entre deux épées croisées était, depuis toujours, le symbole de sa puissance. Il désirait le voir tout autour de lui, relié par de minces arabesques dorées. Le travail méticuleux devait naturellement être parfait. Le maître ne tolérerait aucun défaut, si minime soit-il.

    Mais toutes celles qui s’y essayèrent échouèrent. Elles manquaient de patience et de minutie, et l’idée de devoir rester assises pendant des heures, sans bouger, ne les enchantaient guère.

    François, qui avait déjà eu l’occasion de voir quelques ouvrages faits par Sophie, plaida sa cause auprès de sa mère. De guerre lasse celle-ci accepta, pressée qu’elle était par le temps. Néanmoins, elle refusa d’aller la voir directement, et demanda à son fils de lui porter son travail. Celui-ci attendit la tombée de la nuit pour aller chez elle, car sa mère craignait les bavardages à son égard. Elle sentait aussi inconsciemment que son fils lui échappait, et refusait la simple idée d’une quelconque camaraderie.

    «Cette sorcière ne me prendra pas mon enfant. Je la tuerai plutôt de mes propres mains !» dit-elle tout bas à son époux, en refermant rapidement sa porte.

    §-§-§-§-§-§

    Sophie accepta, toute heureuse de la commande, et se mit aussitôt à l’ouvrage. Plus rien ne comptait pour elle. Sa vie se mêlait aux fils d’or du manteau. La soie, fine et délicate, devenait de plus en plus belle chaque jour.

    La jeune femme était comblée. Elle qui se savait laide, à cause de la carapace grotesque qu’elle sentait sur son dos, jubilait intérieurement. La beauté admirable, que tout le monde envierait, sortirait de la laideur.

    «Quelle ironie du sort ! pensa-t-elle. Mais quelle chance aussi ! Peut-être accepteront-ils enfin ma présence, pour ce petit service que je leur rends.»

    Et ses doigts fatigués continuaient le délicat travail qui lui avait été confié. De temps à autre, François venait en cachette lui apporter un peu de nourriture. Il était le seul regard amical de sa nouvelle vie.

    Elle n’osait croire à cet amour naissant qu’elle lisait dans ses yeux. Ne rien montrer surtout, pour éviter à la jalousie qu’elle savait proche de se manifester inutilement.

    La merveille fut terminée juste à temps pour l’anniversaire du châtelain. François rapporta le manteau à sa mère la veille, avec un sourire triomphant mêlé d’ironie.

    «Admirez ce travail délicat... quelle finesse, quelle beauté ! Le Mal ne peut produire une telle merveille, mère. Ne m’avez-vous pas toujours répété, depuis ma plus tendre enfance, que Dieu ne le permettait pas, dans son infinie bonté ?»

    Celle-ci, furieuse de la remarque, lui envoya une gifle pour toute réponse.

    «Ne t’avise plus jamais de me faire la leçon ! Et ne t’approche plus d’elle, si tu ne veux pas que Notre-Seigneur ne te retire sa protection. On ne joue pas avec le diable sans y perdre son âme !»

    François quitta la pièce sans un regard pour sa mère. Il était écœuré de l’hypocrisie des siens.

    Le lendemain fut un grand jour de fête. Les rues débordaient de fleurs, et chacun avait sorti ses plus beaux vêtements, pour faire honneur au maître des lieux et à son épouse. Celui-ci sortit du château vers dix heures, monté sur un cheval immaculé, et se dirigea vers l’église suivit par la foule. Le long manteau brodé brillait au soleil, et chacun l’admirait.

    Conscient de son pouvoir, il souriait, méprisant en son fort intérieur ceux qu’il considérait comme ses esclaves.

    Cachée dans la foule, Sophie participait à sa manière à la fête.

    Pris qu’ils étaient par l’euphorie du moment, ses voisins ne remarquèrent pas tout de suite sa présence. Ils écoutèrent ensuite le sermon du prêtre.

    «Quelle chance avez-vous tous, disait-il, de travailler au service d’un homme aussi bon ! Il vous permet de vous nourrir en échange d’un peu de peine, et vous protège du malheur, en vous offrant une place au château. Montrez-lui votre reconnaissance, et remerciez la bonté divine de vous l’avoir donné !»

    Chacun exulta alors sur son passage. Les femmes embrassaient ses mains, les enfants lui offraient des couronnes de roses avec dévotion.

    Son destin le rejoignit à la sortie de l’office. Il s’apprêtait à remonter à cheval, quand un craquement sec se fit entendre. Le splendide manteau qui faisait sa fierté venait de se déchirer par le milieu, séparant le blason familial en deux parties égales. On voyait les fils pendre lamentablement. Ils semblaient avoir été fendus par une dague acérée et invisible.

    Le prêtre regarda, stupéfait, le dégât irrémédiable.

    «Mauvais présage !» se murmura-t-il très doucement. Puis son regard croisa par hasard celui de Sophie.

    «Cette femme en est la cause ! lança-t-il à son encontre. Le mal est en elle depuis toujours.»

    La foule électrisée se retourna aussitôt vers elle, menaçante. Des pierres furent ramassées et lancées dans sa direction. L’une d’elles l’atteignit au visage, et le sang coula sur sa joue blessée. Sophie se retourna, cherchant rapidement du regard un abri qui pourrait la protéger de la folie collective. Elle ressemblait à cet instant à une biche traquée par les chasseurs. Aucune issue ne lui parut possible. Elle leur fit alors face avec dignité.

    François réussit à la rejoindre, et s’interposa alors entre celle qu’il aimait et le reste du village.

    «Vous devenez fous ! Reprenez-vous et cessez donc d’écouter ce corbeau. lança-t-il furieux contre le prêtre. Comment aurait-elle pu attenter à la vie de cet homme ? Elle en était éloignée d’au moins vingt pas. Le sang qui coule sur sa joue est de la même couleur que le vôtre. Laissez-là donc en paix !»

    Le père de François l’interpella vivement.

    «Fils indigne ! Ôte-toi de notre chemin, et laisse-nous faire notre devoir. Cette sorcière t’a volé la raison. Excuse-toi immédiatement d’avoir manqué de respect à notre très saint prêtre !»

    Mais François avait définitivement choisi son camp. Il se retourna vers Sophie et lui cria : «Fuis ! Protège-toi dans la grotte !»

    Elle le regarda une seconde, puis courut à perdre haleine pour leur échapper. La grotte n’était qu’à une centaine de mètres d’elle maintenant, et elle savait que ses tourmenteurs n’oseraient pas la suivre jusque là.

    Sophie connaissait, par sa mère, la légende de ce lieu que la superstition locale considérait comme maudit. Elle y pénétra rapidement, cherchant dans l’obscurité un endroit qui la mettrait hors de portée de la fureur des villageois. C’est alors qu’un souffle violent la projeta à terre. Elle crut sa dernière heure arrivée, persuadée de mourir dans ce qu’elle pensa être un éboulement.

    De fait, les paysans craintifs restèrent figés sur place, comme des statues de marbre. L’entrée de la grotte était maintenant obstruée par une énorme roche, qui s’était détachée de la masse. Elle bloquait le passage, en interdisant l’accès de façon définitive. La voix tonnante du prêtre les sortit alors de leur stupeur.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    « Admirez combien grande est la puissance divine ! lança-t-il. Par elle aujourd’hui, le Malin et sa servante ont été vaincus. »

    François, désespéré, ne voulut pas quitter l’endroit jugé à juste titre maudit par les siens. Son père, après une ultime tentative, retourna auprès de sa femme et de ses amis. En refermant la porte de sa maison, il leur dit :

    « A partir d’aujourd’hui, je n’ai plus de fils ! Le diable me l’a volé à jamais. »

    François s’installa dans l’ancienne maison de Sophie. Le village lui était désormais étranger et hostile, mais il s’en moquait. Quelque chose en lui avait profondément changé. Il était sûr de son choix et assuma sa nouvelle vie.

    Ses parents, rongés par la rancœur, moururent de fièvre peu de temps après, sans lui avoir pardonné ce qu’ils considéraient comme une trahison.

    Fidèle au souvenir de sa bien-aimée, il avait décidé à l’attendre éternellement. Les gens du village, persuadés de la mort de Sophie, le considérèrent comme un fou et le laissèrent en paix.

    Elle, pendant ce temps-là, était toujours vivante. Passé le premier moment de peur bien compréhensible, elle se releva lentement dans l’obscurité, se frottant machinalement bras et jambes. Non, elle n’avait rien de cassé ! Mais elle était seule, prisonnière, et l’angoisse lui serra la gorge. En baissant les yeux, elle constata que son bijou brillait dans le noir. La voix de son père li revint alors en mémoire.

    «Ne te sépare jamais de ton pendentif ! Il te guidera...»

    «La guider ? Mais pour aller où ?» se demanda-t-elle.

    Au même instant, la lumière se fit plus vive. La grotte toute entière prit une teinte rouge, pareil au sang qu’elle sentait encore sur sa joue. Ses parois ressemblaient à un immense rubis.

    Anéantie de fatigue, Sophie se laissa alors tomber sur le sol froid et s’endormit.

    Son sommeil fut agité... Des pièces aux couleurs vives et changeantes, des arbres, une fontaine... Et cette voix qui parlait doucement, à l’intérieur d’elle-même.

    Les heures passèrent. La jeune femme finit par s’éveiller tout à fait et s’assit, un peu plus calme. Elle essaya de réfléchir. Combien de temps s’était-il donc écoulé depuis qu’elle était là ? Elle n’en avait aucune idée. La faim commença elle aussi à se faire sentir.

    Autour d’elle aussi, quelque chose avait changé. La chatoyante couleur rouge avait baissé d’intensité. Elle était devenue orange et, au fond d’un repli rocheux, une fontaine était apparue, laissant s’écouler un mince filet d’eau claire. Sophie la recueillit dans ses mains et étancha sa soif. Elle ne comprenait rien au prodige.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    Une petite table ronde était également posée à côté d’elle, remplie de viandes, de légumes et de fruits. Au milieu, un pain rond lui aussi, à la croûte noire et épaisse. Sophie eut envie de goûter à tout, mais le souvenir de sa mère l’empêcha de faire un geste.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    Sa mère ! Combien d’années avait-elle passé, en cuisine, à régaler les puissants ? Jamais de sa vie elle n’avait mangé autre chose que du pain bis, et parfois une soupe de fèves. Tout ce qu’ils cultivaient appartenait de droit au châtelain. Elle détourna le regard et prit juste le pain.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    Au fond de son cœur des questions revenaient, lancinantes.

    «Pourquoi tant de souffrances ? A quoi pouvaient-elles bien servir ? Les pauvres n’auraient-ils jamais droit au bonheur ? Seraient-ils toujours exploités par les puissants ?»

    Cette dernière idée révoltait sa nature, pourtant généreuse. La voix intérieure lui demanda de patienter encore un peu, promettant un début de réponse pour plus tard. Sophie prit une bouchée de pain et se rendormit ensuite, la main posée sur son bijou.

    Quelques heures passèrent. Une main, invisible et mystérieuse avait encore une fois changé l’ordre dans la grotte. Plus de table, plus de nourriture. Seule la fontaine était restée fichée dans le rocher. L’eau vive continuait de chanter doucement.

    Sophie sortit de sa torpeur, et jeta un regard étonné autour d’elle. Une douce lumière jaune émanait du rocher. Elle se retourna et se dirigea alors vers le fond de la grotte. Là, un petit vent frais semblait jouer dans des branches d’arbres. En s’approchant, Sophie en vit  deux, de taille très réduite. Mais quel triste spectacle ils offrirent à son regard !

    Le plus grand paraissait résistant mais, en l’examinant de plus près, elle constata qu’il était rongé par la vermine. Des centaines de vers couraient sous l’écorce poussiéreuse. Les racines étaient à peine visibles, et quelques feuilles mortes achevèrent leurs chutes à ses pieds.

    Son voisin n’avait pas meilleure allure. Plus petit, les deux racines qui le maintenaient debout se rejoignaient en un cercle hermétiquement clos. Il lui parut évident qu’il ne pouvait se nourrir lui non plus.

    Les deux arbres étaient morts, et tout ce que lui avait appris son père dans sa petite enfance ne pouvait pas lui servir ici. Elle détourna donc tristement le regard, et se mit à pleurer doucement. Voir tant de gâchis, sans pouvoir y porter remède, lui faisait trop de peine. Dans la grotte, un vent mystérieux souffla, les faisant tomber en poussière, presque sans bruit.

    De jaune qu’elle était encore un instant auparavant, la couleur vira alors au vert, vif et profond. Le vert ! Sophie préférait cette nuance à toutes les autres, parce qu’elle lui rappelait la nature.

    Pauvre nature ! Elle avait vu les nobles, autour d’elle, en profiter sans vergogne. Ils récoltaient, fiers et dédaigneux, les fruits du lourd travail des petits... et gaspillaient tout le reste. Pourtant, elle n’arrivait pas à leur en vouloir. Enfant, elle avait toujours partagé le peu qu’elle avait avec les mendiants de passage, plus pauvres qu’elle encore. Sans se faire remarquer ! Avec naturel, comme sa mère le lui avait appris.

    La voix intérieure lui parla de nouveau, au fond du cœur.

    «Ne t’inquiète pas, fille du Ciel, du sort de certaines personnes.  Elles ont choisis librement leur destin en prenant leurs décisions, et tu n’y peux rien. Le Mal a toujours existé, mais le Bien veille aussi, discrètement !»

    Sophie pensa :

    «Il veille peut-être mais moi, je ne demandais qu’un peu d’amour. Pourquoi donc ceux qui sont à l’origine de ma naissance me maudissent-ils avec autant d’insistance ? Je serai si heureuse s’ils m’accordaient un seul regard !»

    La voix lui répondit alors :

    «L’orgueilleux n’accepte pas les leçons du plus petit. L’obstination fait sa perte.»

    Sophie voulut continuer le dialogue, mais la voix se tût de nouveau. Lasse, elle décida de se recoucher, après avoir mangé un morceau de pain.

    A son réveil, l’étonnant changement ne la surprit plus.

    Le bleu du ciel avait remplacé le verte de l’émeraude, et la nostalgie emplit le regard de Sophie. Elle était maintenant emmurée vivante, et savait que personne ne se soucierait de son sort.

    Le souvenir de François lui fit monter les larmes aux yeux. Le seul être qui avait osé la défendre, qui l’avait aimé dans sa différence, que faisait-il maintenant ? Sans doute l’avait-il oublié ! Le temps s’était arrêté pour elle. Elle n’avait plus aucun repère depuis son entrée dans la grotte.

    Le pain commença à diminuer, et Sophie sentit son courage la quitter. Elle accepta, à cet instant, de faire le sacrifice de sa jeunesse, et l’offrit pour que l’amour du bien triomphe enfin au château.

    Dehors, la nuit régnait. François continuait à penser à elle, et priait le Dieu de son enfance de faire éclater un miracle, plus étonnant encore que celui qui avait protégé Sophie d’un sort injuste.

    Ce matin là, la mort avait à nouveau frappé, emportant le châtelain et son épouse, alors que rien ne le laissait présager. Le château restait à l’abandon, après avoir pillé par ceux qui avaient servi ses habitants dans la crainte, pendant tant d’années. Ils avaient été enterrés à la hâte, la cause de leurs décès mystérieux étant, pour les paysans, synonyme d’une possible maladie contagieuse. Personne ne voulait courir de risque. Puis, chacun essaya d’oublier.

    Dans la grotte, Sophie ne bougeait plus. Sa respiration se faisait plus difficile, et les battements de son cœur résonnaient dans sa tête. Tenir encore un peu... Ne pas partir sans savoir !

    Le bijou avait pris la couleur de l’indigo... Il brûlait sa poitrine, la maintenant en éveil. Elle se concentra un instant en une silencieuse prière.

    «C’est bientôt la fin. Ne m’abandonnez pas, s’il vous plait ! Ma courte vie vous était sans doute inutile. Pourquoi alors me l’avoir fait subir ?»

    Un bruit sourd la fit sursauter. La grotte vibra, et ses parois lisses prirent alors la forme d’un grand miroir.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    A son sommet, un cercle d’améthyste brillait de mille feux. Il avait exactement la taille de son pendentif. Sophie, comme hypnotisée, le retira de son cou et le glissa dans l’encoche. Le miroir s’éclaira et elle put se voir enfin, telle qu’elle était. Le sang avait séché, ses vêtements étaient à peine salis. Dans son dos, sa carapace lui renvoya sa souffrance au visage.

    «Pourquoi ? Pourquoi tout cela ?» 

    La voix mystérieuse se fit entendre une dernière fois, solennelle.

    «Écoute le secret de ta vie ! Il y a vingt ans, un moine vit un soir d’hiver, demander l’aumône pour un couple de pauvres qui avaient un tout petit enfant, à celui qui allait devenir ton père. Celui-ci avait donné le matin même un gigantesque festin, et il restait tellement de nourriture qu’il aurait pu la partager, sans s’appauvrir le moins du monde. Au lieu de cela, il fit lâcher les chiens et refusa de répondre favorablement à la demande de charité. L’enfant mourut de faim dans la nuit, et la douleur qui atteignit ses parents leur fit perdre la raison.

    Le moine maudit alors l’avarice de ton père, et lui annonça que Dieu lui retirerait sa richesse et tout son pouvoir, au travers de sa descendance.

    Quand tu es venue au monde, il s’est souvenu de ces paroles, et il a voulu te tuer. Dieu l’a empêché de te nuire directement, tout en te gardant dans son entourage, ce qui le rendit fou d’angoisse à chaque instant. La marque de ton dos lui rappela toute sa vie sa propre condamnation. Elle est arrivée au moment fixé par la Providence. Et l’Amour qui est en toi n’a plus besoin de la porter !»

    A cet instant, Sophie sentit la lourde croûte noire se fendre et tomber à terre. A sa place, il ne resta le long de son dos qu’une très fine cicatrice, en forme de croix.

    «Je peux partir tranquille maintenant ! pensa-t-elle, soulagée. Je ne regrette plus rien.»

    Elle lutta encore un instant contre le vertige, et tomba évanouie dans la grotte.

     §-§-§-§-§-§

    Sept jours s’étaient écoulés, qui avaient duré une éternité à leurs deux cœurs.

    Un grand bruit avait alors fait sortir tous les paysans du village de leurs demeures. La grotte avait disparu. Et François retrouva sa bien-aimée allongée dans l’herbe, au pied d’un jeune arbre qui était tout aussi mystérieusement apparu. Sur son écorce, on pouvait voir, distinctement gravé, une carapace.

    Un étranger nimbé de lumière se tenait à côté d’elle, attendant son réveil. Quand elle ouvrit enfin les paupières, il l’aida à se lever et la présenta à la foule stupéfaite.

    LA GROTTE ENCHANTEE

    «Voici votre nouvelle châtelaine ! Puissiez-vous profiter longtemps de sa sagesse, car c’est à son amour que vous devez la vie !»

    L’inconnu disparut aussitôt après avoir prononcé ces paroles.

    François regarda Sophie avec tendresse, lui prit la main et pénétra à sa suite dans le château. Une nouvelle vie allait pouvoir commencer pour eux.

    LA GROTTE ENCHANTEE  

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  • Mon hommage en images et audio à la Cantatrice Soprano Colorature Mady Mesplé, née le 7 Mars 1931 à Toulouse et décédée le 30 Mai 2020 dans la même ville.

    Bande Son "Heure Exquise" (La Veuve Joyeuse).

    Après avoir réjoui les amateurs d'opéra pendant quelques décennies, vous allez faire chanter les Anges. Merci pour votre immense talent et votre générosité d'interprétation.

    Au Revoir Mady !


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  • Cette histoire s’est passée il y a un peu plus de mille ans, dans une petite ville du Royaume de France, si insignifiante aux yeux des grands seigneurs de ce temps-là, que son nom n’était même pas mentionné dans le manuscrit qui l’a relaté.

    L'ANNEAU DE MARIE

    L’été avait été précoce cette année-là, et les champs de blé regorgeaient d’épis de blé couleur de soleil. Autour de l’abbaye, les serfs besognaient sans relâche depuis le matin. Le châtelain avait chargé les prévôts de les surveiller étroitement, pour éviter les rapines. Les malheureux, le dos courbé, les maudissaient secrètement de leur dureté intransigeante, eux qui souffraient quotidiennement de la faim sans pouvoir l’assouvir.

    Les temps étaient devenus plus durs encore depuis la mort du Père Emmanuel. Il avait été le prieur de l’abbaye de Bonne Espérance pendant plus de vingt ans, et c’est lui qui avait choisi ce nom. Et comme il lui convenait bien, en ce temps là !

    La charité était pour le Père Emmanuel la reine des vertus, et il veillait, après que le seigneur du lieu ait pris son dû, à ce que tous les pauvres, d’où qu’ils viennent, reçoivent une bonne part de pain de froment en tout temps.

    Les moines avaient hérités du précédent châtelain un moulin, qu’ils considéraient comme un cadeau du ciel. Ils bâtirent tout près de là un four, qui leur permis de sustenter à leurs besoins en nourriture. L’eau de la rivière leur donnait les poissons qui agrémenteraient leurs repas aux jours de fête.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Béni du Ciel pour sa bonté, le Père reçut de la Providence des secours qui lui permirent d’agrandir et d’embellir l’abbaye. Au temps marqué par Dieu, celui-ci fut délivré de ses liens mortels par les anges.

    On crut bon de nommer à sa place le plus âgé des frères après lui, qui se nommait Irénée. Il avait rempli pendant des années la charge d’économe. Mais il était secrètement jaloux de son prédécesseur, et cachait sous son froc de bure un cœur cupide.

    Depuis son ascension à cette nouvelle charge, la tristesse, la méfiance et la colère régnaient sur l’abbaye et ses alentours. Il cherchait tous les prétextes pour punir les frères qui avaient été les amis du précédent prieur.  De concert avec le châtelain, il détourna à son profit la nourriture qui était réservée d’ordinaire aux pauvres et aux paysans.

    Déjà épuisés par le travail des champs, qui les occupait sans relâche du matin jusqu’au soir, ils durent supporter la famine, malgré l’abondance  des récoltes. Rongés d’impuissance et de désespoir face à la douleur de leurs enfants, les parents réclamaient secrètement vengeance au Ciel, pour tant d’injustes souffrances. Leurs voix en forcèrent la porte et la Vierge de Compassion décida de se porter à leur secours.

    Elle prit l’apparence d’une mendiante, portant dans ses bras son tout petit enfant, et s’en alla frapper à la première masure du village. Elle était bien pauvre d’apparence, mais sa porte s’ouvrit presque aussitôt.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Un homme d’âge mûr s’encadra dans l’entrée. Il regarda d’abord l’étrangère qui lui faisait face avec méfiance, mais celle-ci se dissipa très vite. La jeune fille qui lui faisait face semblait avoir à peine seize ans, et l’enfant qu’elle tenait contre sa poitrine dormait. Elle tendit la main en murmurant :

    « La charité s’il vous plait, par amour pour Dieu ! »

    Sans un mot, il s’effaça et lui fit signe d’entrer, puis referma la porte de bois avec soin. Alors seulement sa voix remplit le silence.

    « Vous êtes bien imprudente, jeune damoiselle, de voyager seule par ces tristes chemins. Les dangers sont nombreux qui guettent les égarés. Et plus encore quand ils sont sans défense. »

    Il lui présenta un petit tabouret de bois, l’invitant à s’asseoir.

    « Reposez-vous donc un peu ! Vous me semblez bien lasse. Et ce petit ange doit se faire lourd à vos bras frêles. »

    Elle esquissa un doux sourire en s’asseyant. Se retournant vers son épouse, l’homme demanda, après un long soupir :

    « Nous reste-t-il quelques croûtes de ce matin ? »

    Une voix fluette lui répondit :

    « Juste assez pour nous autres jusqu’à demain. Tu sais pourtant comme moi à quelle misère nous sommes réduits depuis quelques mois ! »

    Sans lui jeter un regard, il lui répondit :

    « Il me reste encore quelque force. Donne-lui donc ma part de ce soir. »

    Elle posa, sans protester, le petit morceau sur la table, avec un peu d’eau. Avec un regard de pitié pour l’enfant qui doucement s’éveillait, elle murmura :

    « Mouillez-le ! Il lui sera moins dur. »

    Le petit gigota dans les bras de sa mère, et doucement, elle le replaça contre elle. Un bout de tissu, cousu sur son vêtement se révéla, qu’ils n’avaient pu voir auparavant, caché qu’il était par l’enfant. La rouelle y était dessinée. Aucun doute n’était plus possible. La jeune femme et l’enfant qui étaient devant eux étaient juifs. D’abord embarrassé, l’homme se tût, la laissant finir tranquillement son bout de pain. Puis, il lui dit :

    « N’ayez pas peur ! Je ne vous dénoncerai pas au prévôt. Mais demain, je vous ferai quitter discrètement la ville. Le châtelain n’aime pas ceux de votre race, et il vous ferait pendre s’il vous trouvait ici. »

     « Je ne veux point vous attirer d’ennuis ! reprit la jeune femme doucement. Laissez-moi reprendre ma route. J’ai ouï-dire qu’une abbaye donnait asile aux pèlerins. Je vais m’y présenter pour la nuit. »

    « N’y comptez guère ! reprit l’homme. Celui qui la dirige n’est pas un saint. Il vous ferait jeter dehors ou pire encore, si l’humeur lui en prenait. Ecoutez-moi de grâce ! Et restez ici jusqu’à demain. On se serrera un peu. Il y  a toujours de la place quand on veut ! »

    L’enfant tourna doucement sa tête vers lui, et sourit.

    « Vous êtes bien bon ! reprit-elle. Cependant, je ne veux point abuser de votre charité. Du reste, votre église dit servir les pauvres. Elle ne devrait donc point me rejeter. »

    Il eut un rire las où perçait le dépit.

    « Vous me paraissez bien renseignée sur notre religion, damoiselle, mais par trop naïve. Il est vrai que vous avez pour vous l’excuse de la jeunesse. Ici, la religion n’est plus qu’une apparence… Une apparence, reprit-il après un silence dégoûté, et rien que cela ! »

    L’étrangère jeta sur lui un regard étonnamment tranquille et profond qui le troubla. Il détourna un instant ses yeux de la mère pour les reporter sur l’enfant. Celui-ci gazouillait gentiment, et son regard bleu se promenait sur toute l’étroite maison. Puis, il se fixa longuement sur la maîtresse de céans qui rangeait les quelques pauvres écuelles qui servaient à son ménage.

    Sentant quelqu’un l’observer, elle s’arrêta de travailler un instant et se retourna. Un pauvre sourire colora ses lèvres quand ses yeux croisèrent ceux du tout petit qui lui faisait face, toujours assis contre sa mère.

    « Je ne regrette plus de ne point en avoir ! Les temps sont trop durs pour les chérubins qui lui ressemblent. » dit-elle en touchant ses petits doigts.

    La main enfantine effleura alors la sienne, et une chaleur inconnue envahit son corps. Troublée, elle cessa le contact, à peine ébauché. L’étrangère fit mine de se lever, rajusta son vêtement et cala de nouveau l’enfant contre sa poitrine.

    « Je dois partir maintenant. Il vaut mieux que j’arrive à l’abbaye avant que le soir ne me surprenne. »

    L’homme insista, un rien agacé.

    « Vous n’avez donc point entendu mes paroles ? Il n’y a rien à espérer de celui qui la dirige maintenant. »

    « Je veux quand même essayer. Il me gêne de prendre le repas d’aussi pauvre que moi. Là d’où je viens, on m’a dit qu’elle était grande, et qu’on y cuisait le pain chaque jour. Il y en aura sans doute encore un peu de reste. Je n’ai pas grand appétit, et mon fils non plus ; Ce qu’on voudra bien me donner nous suffira. »

    « Je vous le redis, jeune damoiselle, vous n’aurez rien ! Rien que des railleries ou pis encore, quelques coups bien sentis. Le prieur s’entend bien pour cela avec la prévôté. »

    « Je suis femme, et mère d’un tout petit. Il n’oserait pas. »

    L’homme l’interrompit tristement.

    « Vous êtes bien innocente. Mais l’enfer ne connaît point la pitié, et ceux-là en sont tout droit sortis. »

    Comme elle ne semblait pas changer d’avis, il dit en se tournant vers sa femme :

    « Je l’accompagne ! La vue d’un gardien calmera peut-être la malice de tous ces chiens. »

    Ils traversèrent  ensemble le village et débouchèrent sur une grande place. Non loin, se dressait l’abbaye. Elle s’avança doucement et sa main fit sonner la cloche. Après un instant, la porte s’entrouvrit. Un moine la dévisagea, méfiant.

    « La charité, s’il vous plait ! lui demanda-t-elle. Pour l’amour de Dieu ! »

    « Passez votre chemin ! lui répondit-il doucement. Nous n’avons plus rien. »

    « En êtes-vous bien sûr ? » reprit doucement la visiteuse. Agacé par la question, il se mit en colère en répondant :

    « Auriez-vous l’outrecuidance de m’accuser de mensonge ? »

    « Non point ! Mais sans doute avez-vous mal regardé. Car il y a par devers vous, sur la tablette contre le mur gauche, trois pains qui n’ont point encore connus l’entaille du couteau. »

    Il recula, affolé, en criant :

    « Quel démon êtes-vous donc pour voir à travers nos murs ! Arrière, sorcière ! Reculez-vous de moi ! » continua-t-il, en sonnant de la cloche qui était tout près de lui.

    Avertis par le vacarme, les frères qui se trouvaient là sortirent de leurs retraites, l’un après l’autre. Le prieur apparut bientôt, et s’en prit alors violemment au frère portier.

    « Pourquoi tout ce bruit ? Auriez-vous perdu l’esprit ? »

    L’autre, encore tremblant, recula en montrant celle qui se tenait près de la porte.

    « Cette diablesse, hoqueta-t-il m’a demandé du pain. J’ai répondu selon vos ordres, et elle m’a répliqué qu’il en restait encore trois non entamés. Or, vous les aviez rangés de telle manière que nul ne puisse les voir du dehors. Celle-là est donc une sorcière ou une diablesse pour l’avoir deviné. » dit-il, en faisant force signes de croix.

    Le prieur s’avança, menaçant, vers l’étrangère et s’arrêta en constatant qu’elle n’était pas seule.

    « Eh bien, vilain, que fais-tu donc avec cette femme ? T’aurait-elle ensorcelé aussi ? »

    « Non point ! Je l’accompagne seulement, parce que c’est le devoir d’un honnête homme que de protéger une femme et son enfant, quand ils sont égarés. »

    « Fi donc ! Celle-là descend sûrement du diable. Mais comme je suis de bonne humeur, je veux bien la gracier, à condition qu’elle disparaisse très vite de ces lieux. Et toi avec ! » dit-il à son adresse, avec une moue méprisante.

    L’enfant glissa alors légèrement vers la hanche de sa mère, et la rouelle apparut, à la vue de tous.

    « Une juive ! éructa alors le prieur en la toisant, soudain blême de colère. Race perverse, déicide et maudite entre toutes, pour tout ce que vous avez fait souffrir au Fils de Dieu. Comment osez-vous fouler notre sol ? Je vous donne trois minutes pour disparaître. Passé ce délai, je fais appeler les soldats et préparer le bûcher. »

    L’homme qui l’accompagnait, toujours en retrait, essaya de ramener l’étrangère et son enfant vers lui, mais en vain. Elle s’avança même d’un pas décidé, puis reprit à l’adresse du prieur :

    « Comment pouvez-vous mépriser la race d’où est sortie la sainte humanité de celui que vous appelez à juste titre « Fils de Dieu » ! Sachez, pour votre gouverne, que son sacrifice rédempteur l’a d’abord été pour sa terre.

    En effet, beaucoup en Israël le respectaient,  et seuls ceux qui se sont obstinés dans la haine jusqu’au bout de leurs existences se sont exclus eux-mêmes du pardon qu’il a librement donné.

    De mon pays, la rédemption s’est opérée ensuite, jusqu’aux confins de l’univers. Vous devriez comprendre cela mieux que moi… mais il ne peut en être ainsi, puisque vous avez renié depuis longtemps Celui que vous n’êtes plus digne de servir » ajouta-t-elle, en montrant du doigt la croix qu’il portait sur sa poitrine.

    Elle leva alors un instant son beau regard vers le ciel, et sembla se recueillir en une silencieuse prière.

    « Désormais, dit-elle au prieur en lui tournant le dos, ton four te donnera, pour apaiser ta faim, le pain du véritable maître que tu sers.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Souviens-toi de mes paroles ! Elles seules peuvent encore te ramener à la vraie foi et te sauver. »

    Puis elle disparut dans une lumière éblouissante, avant que quiconque ait pu la saisir. Quelques moines s’agenouillèrent alors, en se frappant la poitrine.

    « Le malheur est sur nous ! Nous venons sans doute d’offenser une grande sainte. »

    Le prieur sortit de son étonnement, mais non de sa colère.

    « Silence, idiots ! lança-t-il avec brutalité. Et vous, dit-il à l’adresse du portier, restez sourd désormais aux demandes, après l’Angélus de midi. »

    Le paysan retraversa en hâte tout le village et regagna sa maison, le cœur cognant à tout rompre dans sa poitrine. Rentré chez lui, à l’abri des regards, il raconta tout à sa femme qui se laissa tomber à genoux.

    « Celle-là état sûrement la Divine Mère ! Et avec elle, la Justice de son Saint Fils. Soyons heureux de lui avoir ouvert notre maison et notre cœur. Cela nous épargnera peut-être une lourde punition. »

    Elle ne croyait pas si bien dire. En récompense de leur geste de bonté, jamais plus durant leur vie besogneuse, ils ne manquèrent de pain.

    Le soir vint et avec lui, le repos que chacun désirait. A l’abbaye, les moines essayaient d’oublier le curieux épisode de l’après-midi… mais beaucoup n’y parvenaient pas, tourmentés secrètement par leurs consciences. Ils se sentaient honteux de n’avoir pas su passer outre au respect qu’ils devaient à leur supérieur et qu’ils savaient être injustifié, au moins en cette occasion.

    Seul Frère René, un jeune novice se trouvant à l’infirmerie à ce moment-là, ignorait encore l’histoire qui s’était produite dans l’après-midi. Il s’inquiéta seulement de la mine chagrine du frère infirmier. Celui-ci lui conta l’histoire en peu de mots.

    « Que me dites-vous là ? soupira-t-il, en grimaçant de douleur. Et pas un seul d’entre vous ne lui a fait l’aumône d’un peu de pain ? »

    « C’est que le prieur n’était pas d’accord, et ceci dés le départ. Sa rage s’est manifestée avec plus de force encore, quand il a vu que la mendiante était juive. Il s’est alors montré odieux avec elle, mais elle lui a calmement tenu tête, tout en se justifiant. Comme si son crime pouvait se justifier ! »

    « Quel crime ? » reprit le jeune novice, sans comprendre.

    « Seriez-vous devenu complètement sot ? reprit l’infirmier. Les juifs  ont tués Notre-Seigneur, et depuis ce triste jour, ils en portent la malédiction, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, tous autant qu’ils sont. »

    « Vous vous êtes laissés aveugler ! répondit le jeune frère. Cette mendiante était sûrement la Reine des Cieux. Et votre mauvaise conduite va nous attirer les foudres de Dieu, c’est certain ! »

    L’infirmier le regarda, horrifié, et se retira sans répondre. L’heure du souper arrivait en effet et il entra dans le réfectoire, avec tous les autres.

    Dans les écuelles, la soupe fumait, et devant chacune d’elles, il  y avait un petit pain et un peu de vin mêlé d’eau dans les gobelets. Le prieur prononça le bénédicité, et le repas commença aussitôt, en silence. Il fut très vite interrompu par un hurlement de douleur. Le pain du supérieur venait de lui brûler les deux mains. Sous la croûte grise, en effet, une braise ardente remplaçait la mie.

    L'ANNEAU DE MARIE

    « Malédiction ! hurla-t-il, effrayé. Que signifie tout ceci ? »

    Les autres moines n’étaient pas plus à la fête. Sous leurs doigts, chaque morceau devenait cendre. C’est donc piteux qu’ils regagnèrent tous leurs paillasses, espérant secrètement que la punition du soir ne se reproduirait pas. Mais ils déchantèrent vite en constatant que ce qui était arrivé la veille continuait le lendemain, et les jours et semaines suivantes.

    Seul le novice au cœur pur trouva du pain sous la croûte grise qu’on lui tendait.

    Bientôt tenaillés par la faim, quelques frères tentèrent de lui voler son maigre repas, mais l’ennuyeux prodige recommença. En effet, dés que le bon pain de Frère René quittait sa main, il se transformait aussitôt en cendre grise.

    A la fin du mois de juillet, le Père Irénée mourut, sans s’être repenti. Les autres moines espérèrent alors que la malédiction s’éteigne avec lui, mais il n’en fut rien. Affolés à l’idée de mourir de faim, ils allèrent donc trouver le novice, de nouveau alité à l’infirmerie.

    « Mon cher frère, commença l’infirmier, j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir à notre conversation. S’il s’avérait que vous aviez raison, nous sommes bien en peine. Car Dieu seul peut lever la punition qu’il nous a envoyée pour nos péchés. Priez-le pour nous, vous qui avez sa clémence, afin que cesse ce fléau maudit. »

    « Je le ferai, puisque vous me le commandez, répondit-il, mais je ne puis vous garantir la clémence que vous désirez. Nous sommes tous coupables, c’est donc tous ensemble qu’il nous faut prier. »

    Chacun, sur ces mots sages, regagna sa cellule, pleurant et implorant le pardon divin.

    La première semaine d’août arriva, sans que le changement espéré ait eu lieu. Alors, Frère René suggéra d’émettre le vœu d’accorder plus spécialement assistance à tous les juifs qui se présenteraient, pour ce qui concernait le gîte et le couvert, si le Ciel faisait grâce à l’abbaye. Les autres moines acceptèrent de bon cœur, lui demandant de leur servir de guide spirituel. Il différa sa réponse sur ce point, continuant à prier.

    Comme il s’endormait, la veille de la fête de l’Assomption, l’esprit toujours préoccupé par tous ces événements, il fit cette nuit-là un rêve étrange.

    Au milieu d’une lumière éblouissante, un ange apparut devant lui. 

    L'ANNEAU DE MARIE

    René se prosterna à terre, face à tant de majesté, mais l’ange le releva en disant :

    « Je suis Noktaël, chargé par Dieu de faire connaître aux humains sa volonté, au moyen des songes de la nuit. Ecoute, et surtout rappelle-toi !

    En refusant l’aumône qu’elle vous demandait sous le visage d’une mendiante étrangère, vous avez gravement offensé la Mère de Dieu… Mais comme elle est aussi l’avocate des pécheurs, elle a obtenu par ses larmes la révocation de votre juste punition. Louez désormais sa bonté sans limites, et soyez attentifs à la misère des plus petits !

    Et toi René, demain, va à la bibliothèque de l’ancien prieur. Prends le premier bréviaire qui se trouve près du grand lectionnaire que vous êtes en train de copier. Ouvre-le sans crainte, car le cœur inique qui le possédait n’est plus. Tu constateras que ses pages ont disparu. A sa place, se trouve un coffret rempli de pièces d’or, qu’il recevait de ses bienfaiteurs pour l’Eglise, mais qu’il détournait à son profit.

    Prend-les toutes ! Va chez l’orfèvre et fais-lui faire un anneau.

    Tu feras graver en haut l’initiale sacrée de la Mère de Jésus, qui sera entourée  de chaque côté par six étoles. Les douze représentent les vertus et privilèges qui lui sont propres. En bas, seront également inscrites les quatre lettres qui étaient dessus la Croix de votre Sauveur : INRI.

    L’anneau de Marie remplacera celui qui est actuellement sur votre four. En y glissant un rondin de bois, vous pourrez de nouveau l’ouvrir sans risquer de brûlures, et cuire le pain qui servira à votre subsistance, et à tous ceux que la Providence vous enverra. Ce signe de Marie brisera la malédiction, et renverra en enfer le démon qui habite actuellement votre four.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Et toi petit frère, continue de suivre le bon chemin. Honore tous tes vœux, surtout l’obéissance, afin de rester digne de notre céleste protection. »

    Sorti du sommeil, il exécuta les ordres de l’ange dés le matin, après avoir raconté son rêve à toute la communauté. Chacun, à sa suite, constata la véracité des paroles de l’émissaire céleste. L’anneau, aussitôt fait, fut béni au cours de la messe qui suivit, sur l’autel de la Vierge, car c’est par sa prière qu’était venue leur délivrance.

    Nommé prieur, Frère René remplit sa tâche avec prudence et humilité. Le vœu qu’il avait fait prononcer par tous fut honoré, longtemps après sa mort.

    Les siècles passèrent, avec leurs cortèges de calamités naturelles ou de guerres. Il ne reste sans doute aujourd’hui de l’abbaye que quelques ruines éparses, au détour d’un sentier. Mais en cherchant bien, je ne serais pas étonnée si un randonneur attentif, flânant en ces lieux, retrouvait intact sur la porte du vieux four de pierre, l’anneau de Marie.

    L'ANNEAU DE MARIE

      L'ANNEAU DE MARIE

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  •  ADIEU A GUY BEDOS

     Guy Bedos est né à Alger en 1934. Élevé par un beau-père violent et une mère malveillante, il est mis en pension avant que la famille ne revienne en France en 1949. Dès l’âge de 16 ans, Guy Bedos quitte la maison familiale et s’inscrit l’année suivante à l’Ecole de la rue Blanche pour y suivre des cours d’art dramatique. Mais c’est au cabaret qu’il connaît ses premiers succès d’abord en interprétant des sketches puis en les écrivant lui-même.

    Dans les années 1970, c’est avec sa femme Sophie Daumier qu’il se produit sur scène avant de continuer une carrière en solo. Parallèlement à ses one-man-shows, Guy Bedos tourne pour le cinéma, notamment avec Yves Robert ("Un éléphant ça trompe énormément", "Nous irons tous au paradis", "Le bal des casse-pieds"). 

    Humoriste engagé, Guy Bedos prend la défense de Cesare Battisti ou d’Yvan Colonna, apporte son soutien à de nombreuses causes, comme le Droit au logement ou l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Il décède à l'âge de 85 ans le 28 mai 2020 de la maladie d'Alzheimer.

    La Drague

    Les Vacances à Marrakech

    L'annonce Faite A Odile

    Carton Rose

    Carola

    Ton dernier  sketch nous a pas fait rire du tout ! C'est bien la seule fois où tu t'es tapé un bide, ce jeudi.

    Après nous avoir amusés pendant plusieurs décennies, tu vas maintenant faire rire toute la Cour Céleste au Paradis. Nous nous consolerons en réécoutant tes nombreuses œuvres. On n'aura que l'embarras de tant de bons choix ...

    Salut l'Artiste !

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