• L'ANNEAU DE MARIE

    Cette histoire s’est passée il y a un peu plus de mille ans, dans une petite ville du Royaume de France, si insignifiante aux yeux des grands seigneurs de ce temps-là, que son nom n’était même pas mentionné dans le manuscrit qui l’a relaté.

    L'ANNEAU DE MARIE

    L’été avait été précoce cette année-là, et les champs de blé regorgeaient d’épis de blé couleur de soleil. Autour de l’abbaye, les serfs besognaient sans relâche depuis le matin. Le châtelain avait chargé les prévôts de les surveiller étroitement, pour éviter les rapines. Les malheureux, le dos courbé, les maudissaient secrètement de leur dureté intransigeante, eux qui souffraient quotidiennement de la faim sans pouvoir l’assouvir.

    Les temps étaient devenus plus durs encore depuis la mort du Père Emmanuel. Il avait été le prieur de l’abbaye de Bonne Espérance pendant plus de vingt ans, et c’est lui qui avait choisi ce nom. Et comme il lui convenait bien, en ce temps là !

    La charité était pour le Père Emmanuel la reine des vertus, et il veillait, après que le seigneur du lieu ait pris son dû, à ce que tous les pauvres, d’où qu’ils viennent, reçoivent une bonne part de pain de froment en tout temps.

    Les moines avaient hérités du précédent châtelain un moulin, qu’ils considéraient comme un cadeau du ciel. Ils bâtirent tout près de là un four, qui leur permis de sustenter à leurs besoins en nourriture. L’eau de la rivière leur donnait les poissons qui agrémenteraient leurs repas aux jours de fête.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Béni du Ciel pour sa bonté, le Père reçut de la Providence des secours qui lui permirent d’agrandir et d’embellir l’abbaye. Au temps marqué par Dieu, celui-ci fut délivré de ses liens mortels par les anges.

    On crut bon de nommer à sa place le plus âgé des frères après lui, qui se nommait Irénée. Il avait rempli pendant des années la charge d’économe. Mais il était secrètement jaloux de son prédécesseur, et cachait sous son froc de bure un cœur cupide.

    Depuis son ascension à cette nouvelle charge, la tristesse, la méfiance et la colère régnaient sur l’abbaye et ses alentours. Il cherchait tous les prétextes pour punir les frères qui avaient été les amis du précédent prieur.  De concert avec le châtelain, il détourna à son profit la nourriture qui était réservée d’ordinaire aux pauvres et aux paysans.

    Déjà épuisés par le travail des champs, qui les occupait sans relâche du matin jusqu’au soir, ils durent supporter la famine, malgré l’abondance  des récoltes. Rongés d’impuissance et de désespoir face à la douleur de leurs enfants, les parents réclamaient secrètement vengeance au Ciel, pour tant d’injustes souffrances. Leurs voix en forcèrent la porte et la Vierge de Compassion décida de se porter à leur secours.

    Elle prit l’apparence d’une mendiante, portant dans ses bras son tout petit enfant, et s’en alla frapper à la première masure du village. Elle était bien pauvre d’apparence, mais sa porte s’ouvrit presque aussitôt.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Un homme d’âge mûr s’encadra dans l’entrée. Il regarda d’abord l’étrangère qui lui faisait face avec méfiance, mais celle-ci se dissipa très vite. La jeune fille qui lui faisait face semblait avoir à peine seize ans, et l’enfant qu’elle tenait contre sa poitrine dormait. Elle tendit la main en murmurant :

    « La charité s’il vous plait, par amour pour Dieu ! »

    Sans un mot, il s’effaça et lui fit signe d’entrer, puis referma la porte de bois avec soin. Alors seulement sa voix remplit le silence.

    « Vous êtes bien imprudente, jeune damoiselle, de voyager seule par ces tristes chemins. Les dangers sont nombreux qui guettent les égarés. Et plus encore quand ils sont sans défense. »

    Il lui présenta un petit tabouret de bois, l’invitant à s’asseoir.

    « Reposez-vous donc un peu ! Vous me semblez bien lasse. Et ce petit ange doit se faire lourd à vos bras frêles. »

    Elle esquissa un doux sourire en s’asseyant. Se retournant vers son épouse, l’homme demanda, après un long soupir :

    « Nous reste-t-il quelques croûtes de ce matin ? »

    Une voix fluette lui répondit :

    « Juste assez pour nous autres jusqu’à demain. Tu sais pourtant comme moi à quelle misère nous sommes réduits depuis quelques mois ! »

    Sans lui jeter un regard, il lui répondit :

    « Il me reste encore quelque force. Donne-lui donc ma part de ce soir. »

    Elle posa, sans protester, le petit morceau sur la table, avec un peu d’eau. Avec un regard de pitié pour l’enfant qui doucement s’éveillait, elle murmura :

    « Mouillez-le ! Il lui sera moins dur. »

    Le petit gigota dans les bras de sa mère, et doucement, elle le replaça contre elle. Un bout de tissu, cousu sur son vêtement se révéla, qu’ils n’avaient pu voir auparavant, caché qu’il était par l’enfant. La rouelle y était dessinée. Aucun doute n’était plus possible. La jeune femme et l’enfant qui étaient devant eux étaient juifs. D’abord embarrassé, l’homme se tût, la laissant finir tranquillement son bout de pain. Puis, il lui dit :

    « N’ayez pas peur ! Je ne vous dénoncerai pas au prévôt. Mais demain, je vous ferai quitter discrètement la ville. Le châtelain n’aime pas ceux de votre race, et il vous ferait pendre s’il vous trouvait ici. »

     « Je ne veux point vous attirer d’ennuis ! reprit la jeune femme doucement. Laissez-moi reprendre ma route. J’ai ouï-dire qu’une abbaye donnait asile aux pèlerins. Je vais m’y présenter pour la nuit. »

    « N’y comptez guère ! reprit l’homme. Celui qui la dirige n’est pas un saint. Il vous ferait jeter dehors ou pire encore, si l’humeur lui en prenait. Ecoutez-moi de grâce ! Et restez ici jusqu’à demain. On se serrera un peu. Il y  a toujours de la place quand on veut ! »

    L’enfant tourna doucement sa tête vers lui, et sourit.

    « Vous êtes bien bon ! reprit-elle. Cependant, je ne veux point abuser de votre charité. Du reste, votre église dit servir les pauvres. Elle ne devrait donc point me rejeter. »

    Il eut un rire las où perçait le dépit.

    « Vous me paraissez bien renseignée sur notre religion, damoiselle, mais par trop naïve. Il est vrai que vous avez pour vous l’excuse de la jeunesse. Ici, la religion n’est plus qu’une apparence… Une apparence, reprit-il après un silence dégoûté, et rien que cela ! »

    L’étrangère jeta sur lui un regard étonnamment tranquille et profond qui le troubla. Il détourna un instant ses yeux de la mère pour les reporter sur l’enfant. Celui-ci gazouillait gentiment, et son regard bleu se promenait sur toute l’étroite maison. Puis, il se fixa longuement sur la maîtresse de céans qui rangeait les quelques pauvres écuelles qui servaient à son ménage.

    Sentant quelqu’un l’observer, elle s’arrêta de travailler un instant et se retourna. Un pauvre sourire colora ses lèvres quand ses yeux croisèrent ceux du tout petit qui lui faisait face, toujours assis contre sa mère.

    « Je ne regrette plus de ne point en avoir ! Les temps sont trop durs pour les chérubins qui lui ressemblent. » dit-elle en touchant ses petits doigts.

    La main enfantine effleura alors la sienne, et une chaleur inconnue envahit son corps. Troublée, elle cessa le contact, à peine ébauché. L’étrangère fit mine de se lever, rajusta son vêtement et cala de nouveau l’enfant contre sa poitrine.

    « Je dois partir maintenant. Il vaut mieux que j’arrive à l’abbaye avant que le soir ne me surprenne. »

    L’homme insista, un rien agacé.

    « Vous n’avez donc point entendu mes paroles ? Il n’y a rien à espérer de celui qui la dirige maintenant. »

    « Je veux quand même essayer. Il me gêne de prendre le repas d’aussi pauvre que moi. Là d’où je viens, on m’a dit qu’elle était grande, et qu’on y cuisait le pain chaque jour. Il y en aura sans doute encore un peu de reste. Je n’ai pas grand appétit, et mon fils non plus ; Ce qu’on voudra bien me donner nous suffira. »

    « Je vous le redis, jeune damoiselle, vous n’aurez rien ! Rien que des railleries ou pis encore, quelques coups bien sentis. Le prieur s’entend bien pour cela avec la prévôté. »

    « Je suis femme, et mère d’un tout petit. Il n’oserait pas. »

    L’homme l’interrompit tristement.

    « Vous êtes bien innocente. Mais l’enfer ne connaît point la pitié, et ceux-là en sont tout droit sortis. »

    Comme elle ne semblait pas changer d’avis, il dit en se tournant vers sa femme :

    « Je l’accompagne ! La vue d’un gardien calmera peut-être la malice de tous ces chiens. »

    Ils traversèrent  ensemble le village et débouchèrent sur une grande place. Non loin, se dressait l’abbaye. Elle s’avança doucement et sa main fit sonner la cloche. Après un instant, la porte s’entrouvrit. Un moine la dévisagea, méfiant.

    « La charité, s’il vous plait ! lui demanda-t-elle. Pour l’amour de Dieu ! »

    « Passez votre chemin ! lui répondit-il doucement. Nous n’avons plus rien. »

    « En êtes-vous bien sûr ? » reprit doucement la visiteuse. Agacé par la question, il se mit en colère en répondant :

    « Auriez-vous l’outrecuidance de m’accuser de mensonge ? »

    « Non point ! Mais sans doute avez-vous mal regardé. Car il y a par devers vous, sur la tablette contre le mur gauche, trois pains qui n’ont point encore connus l’entaille du couteau. »

    Il recula, affolé, en criant :

    « Quel démon êtes-vous donc pour voir à travers nos murs ! Arrière, sorcière ! Reculez-vous de moi ! » continua-t-il, en sonnant de la cloche qui était tout près de lui.

    Avertis par le vacarme, les frères qui se trouvaient là sortirent de leurs retraites, l’un après l’autre. Le prieur apparut bientôt, et s’en prit alors violemment au frère portier.

    « Pourquoi tout ce bruit ? Auriez-vous perdu l’esprit ? »

    L’autre, encore tremblant, recula en montrant celle qui se tenait près de la porte.

    « Cette diablesse, hoqueta-t-il m’a demandé du pain. J’ai répondu selon vos ordres, et elle m’a répliqué qu’il en restait encore trois non entamés. Or, vous les aviez rangés de telle manière que nul ne puisse les voir du dehors. Celle-là est donc une sorcière ou une diablesse pour l’avoir deviné. » dit-il, en faisant force signes de croix.

    Le prieur s’avança, menaçant, vers l’étrangère et s’arrêta en constatant qu’elle n’était pas seule.

    « Eh bien, vilain, que fais-tu donc avec cette femme ? T’aurait-elle ensorcelé aussi ? »

    « Non point ! Je l’accompagne seulement, parce que c’est le devoir d’un honnête homme que de protéger une femme et son enfant, quand ils sont égarés. »

    « Fi donc ! Celle-là descend sûrement du diable. Mais comme je suis de bonne humeur, je veux bien la gracier, à condition qu’elle disparaisse très vite de ces lieux. Et toi avec ! » dit-il à son adresse, avec une moue méprisante.

    L’enfant glissa alors légèrement vers la hanche de sa mère, et la rouelle apparut, à la vue de tous.

    « Une juive ! éructa alors le prieur en la toisant, soudain blême de colère. Race perverse, déicide et maudite entre toutes, pour tout ce que vous avez fait souffrir au Fils de Dieu. Comment osez-vous fouler notre sol ? Je vous donne trois minutes pour disparaître. Passé ce délai, je fais appeler les soldats et préparer le bûcher. »

    L’homme qui l’accompagnait, toujours en retrait, essaya de ramener l’étrangère et son enfant vers lui, mais en vain. Elle s’avança même d’un pas décidé, puis reprit à l’adresse du prieur :

    « Comment pouvez-vous mépriser la race d’où est sortie la sainte humanité de celui que vous appelez à juste titre « Fils de Dieu » ! Sachez, pour votre gouverne, que son sacrifice rédempteur l’a d’abord été pour sa terre.

    En effet, beaucoup en Israël le respectaient,  et seuls ceux qui se sont obstinés dans la haine jusqu’au bout de leurs existences se sont exclus eux-mêmes du pardon qu’il a librement donné.

    De mon pays, la rédemption s’est opérée ensuite, jusqu’aux confins de l’univers. Vous devriez comprendre cela mieux que moi… mais il ne peut en être ainsi, puisque vous avez renié depuis longtemps Celui que vous n’êtes plus digne de servir » ajouta-t-elle, en montrant du doigt la croix qu’il portait sur sa poitrine.

    Elle leva alors un instant son beau regard vers le ciel, et sembla se recueillir en une silencieuse prière.

    « Désormais, dit-elle au prieur en lui tournant le dos, ton four te donnera, pour apaiser ta faim, le pain du véritable maître que tu sers.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Souviens-toi de mes paroles ! Elles seules peuvent encore te ramener à la vraie foi et te sauver. »

    Puis elle disparut dans une lumière éblouissante, avant que quiconque ait pu la saisir. Quelques moines s’agenouillèrent alors, en se frappant la poitrine.

    « Le malheur est sur nous ! Nous venons sans doute d’offenser une grande sainte. »

    Le prieur sortit de son étonnement, mais non de sa colère.

    « Silence, idiots ! lança-t-il avec brutalité. Et vous, dit-il à l’adresse du portier, restez sourd désormais aux demandes, après l’Angélus de midi. »

    Le paysan retraversa en hâte tout le village et regagna sa maison, le cœur cognant à tout rompre dans sa poitrine. Rentré chez lui, à l’abri des regards, il raconta tout à sa femme qui se laissa tomber à genoux.

    « Celle-là état sûrement la Divine Mère ! Et avec elle, la Justice de son Saint Fils. Soyons heureux de lui avoir ouvert notre maison et notre cœur. Cela nous épargnera peut-être une lourde punition. »

    Elle ne croyait pas si bien dire. En récompense de leur geste de bonté, jamais plus durant leur vie besogneuse, ils ne manquèrent de pain.

    Le soir vint et avec lui, le repos que chacun désirait. A l’abbaye, les moines essayaient d’oublier le curieux épisode de l’après-midi… mais beaucoup n’y parvenaient pas, tourmentés secrètement par leurs consciences. Ils se sentaient honteux de n’avoir pas su passer outre au respect qu’ils devaient à leur supérieur et qu’ils savaient être injustifié, au moins en cette occasion.

    Seul Frère René, un jeune novice se trouvant à l’infirmerie à ce moment-là, ignorait encore l’histoire qui s’était produite dans l’après-midi. Il s’inquiéta seulement de la mine chagrine du frère infirmier. Celui-ci lui conta l’histoire en peu de mots.

    « Que me dites-vous là ? soupira-t-il, en grimaçant de douleur. Et pas un seul d’entre vous ne lui a fait l’aumône d’un peu de pain ? »

    « C’est que le prieur n’était pas d’accord, et ceci dés le départ. Sa rage s’est manifestée avec plus de force encore, quand il a vu que la mendiante était juive. Il s’est alors montré odieux avec elle, mais elle lui a calmement tenu tête, tout en se justifiant. Comme si son crime pouvait se justifier ! »

    « Quel crime ? » reprit le jeune novice, sans comprendre.

    « Seriez-vous devenu complètement sot ? reprit l’infirmier. Les juifs  ont tués Notre-Seigneur, et depuis ce triste jour, ils en portent la malédiction, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, tous autant qu’ils sont. »

    « Vous vous êtes laissés aveugler ! répondit le jeune frère. Cette mendiante était sûrement la Reine des Cieux. Et votre mauvaise conduite va nous attirer les foudres de Dieu, c’est certain ! »

    L’infirmier le regarda, horrifié, et se retira sans répondre. L’heure du souper arrivait en effet et il entra dans le réfectoire, avec tous les autres.

    Dans les écuelles, la soupe fumait, et devant chacune d’elles, il  y avait un petit pain et un peu de vin mêlé d’eau dans les gobelets. Le prieur prononça le bénédicité, et le repas commença aussitôt, en silence. Il fut très vite interrompu par un hurlement de douleur. Le pain du supérieur venait de lui brûler les deux mains. Sous la croûte grise, en effet, une braise ardente remplaçait la mie.

    L'ANNEAU DE MARIE

    « Malédiction ! hurla-t-il, effrayé. Que signifie tout ceci ? »

    Les autres moines n’étaient pas plus à la fête. Sous leurs doigts, chaque morceau devenait cendre. C’est donc piteux qu’ils regagnèrent tous leurs paillasses, espérant secrètement que la punition du soir ne se reproduirait pas. Mais ils déchantèrent vite en constatant que ce qui était arrivé la veille continuait le lendemain, et les jours et semaines suivantes.

    Seul le novice au cœur pur trouva du pain sous la croûte grise qu’on lui tendait.

    Bientôt tenaillés par la faim, quelques frères tentèrent de lui voler son maigre repas, mais l’ennuyeux prodige recommença. En effet, dés que le bon pain de Frère René quittait sa main, il se transformait aussitôt en cendre grise.

    A la fin du mois de juillet, le Père Irénée mourut, sans s’être repenti. Les autres moines espérèrent alors que la malédiction s’éteigne avec lui, mais il n’en fut rien. Affolés à l’idée de mourir de faim, ils allèrent donc trouver le novice, de nouveau alité à l’infirmerie.

    « Mon cher frère, commença l’infirmier, j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir à notre conversation. S’il s’avérait que vous aviez raison, nous sommes bien en peine. Car Dieu seul peut lever la punition qu’il nous a envoyée pour nos péchés. Priez-le pour nous, vous qui avez sa clémence, afin que cesse ce fléau maudit. »

    « Je le ferai, puisque vous me le commandez, répondit-il, mais je ne puis vous garantir la clémence que vous désirez. Nous sommes tous coupables, c’est donc tous ensemble qu’il nous faut prier. »

    Chacun, sur ces mots sages, regagna sa cellule, pleurant et implorant le pardon divin.

    La première semaine d’août arriva, sans que le changement espéré ait eu lieu. Alors, Frère René suggéra d’émettre le vœu d’accorder plus spécialement assistance à tous les juifs qui se présenteraient, pour ce qui concernait le gîte et le couvert, si le Ciel faisait grâce à l’abbaye. Les autres moines acceptèrent de bon cœur, lui demandant de leur servir de guide spirituel. Il différa sa réponse sur ce point, continuant à prier.

    Comme il s’endormait, la veille de la fête de l’Assomption, l’esprit toujours préoccupé par tous ces événements, il fit cette nuit-là un rêve étrange.

    Au milieu d’une lumière éblouissante, un ange apparut devant lui. 

    L'ANNEAU DE MARIE

    René se prosterna à terre, face à tant de majesté, mais l’ange le releva en disant :

    « Je suis Noktaël, chargé par Dieu de faire connaître aux humains sa volonté, au moyen des songes de la nuit. Ecoute, et surtout rappelle-toi !

    En refusant l’aumône qu’elle vous demandait sous le visage d’une mendiante étrangère, vous avez gravement offensé la Mère de Dieu… Mais comme elle est aussi l’avocate des pécheurs, elle a obtenu par ses larmes la révocation de votre juste punition. Louez désormais sa bonté sans limites, et soyez attentifs à la misère des plus petits !

    Et toi René, demain, va à la bibliothèque de l’ancien prieur. Prends le premier bréviaire qui se trouve près du grand lectionnaire que vous êtes en train de copier. Ouvre-le sans crainte, car le cœur inique qui le possédait n’est plus. Tu constateras que ses pages ont disparu. A sa place, se trouve un coffret rempli de pièces d’or, qu’il recevait de ses bienfaiteurs pour l’Eglise, mais qu’il détournait à son profit.

    Prend-les toutes ! Va chez l’orfèvre et fais-lui faire un anneau.

    Tu feras graver en haut l’initiale sacrée de la Mère de Jésus, qui sera entourée  de chaque côté par six étoles. Les douze représentent les vertus et privilèges qui lui sont propres. En bas, seront également inscrites les quatre lettres qui étaient dessus la Croix de votre Sauveur : INRI.

    L’anneau de Marie remplacera celui qui est actuellement sur votre four. En y glissant un rondin de bois, vous pourrez de nouveau l’ouvrir sans risquer de brûlures, et cuire le pain qui servira à votre subsistance, et à tous ceux que la Providence vous enverra. Ce signe de Marie brisera la malédiction, et renverra en enfer le démon qui habite actuellement votre four.

    L'ANNEAU DE MARIE

    Et toi petit frère, continue de suivre le bon chemin. Honore tous tes vœux, surtout l’obéissance, afin de rester digne de notre céleste protection. »

    Sorti du sommeil, il exécuta les ordres de l’ange dés le matin, après avoir raconté son rêve à toute la communauté. Chacun, à sa suite, constata la véracité des paroles de l’émissaire céleste. L’anneau, aussitôt fait, fut béni au cours de la messe qui suivit, sur l’autel de la Vierge, car c’est par sa prière qu’était venue leur délivrance.

    Nommé prieur, Frère René remplit sa tâche avec prudence et humilité. Le vœu qu’il avait fait prononcer par tous fut honoré, longtemps après sa mort.

    Les siècles passèrent, avec leurs cortèges de calamités naturelles ou de guerres. Il ne reste sans doute aujourd’hui de l’abbaye que quelques ruines éparses, au détour d’un sentier. Mais en cherchant bien, je ne serais pas étonnée si un randonneur attentif, flânant en ces lieux, retrouvait intact sur la porte du vieux four de pierre, l’anneau de Marie.

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 10 Juillet 2020 à 19:39

    Bonjour Garance!

    Me revoici donc comme promis!

    J'ai toujours adoré ta façon d'écrire et ce texte le démontre parfaitement.

    Une superbe histoire qui porte à réfléchir.

    Merci de tout coeur!

    Bonne fin de journée à toi. Je reviendrai c'est certain!

    Amicalement, Réjeanne.

      • Dimanche 12 Juillet 2020 à 15:40

        Bonjour Réjeanne !

        Merci de tout coeur de ta fidélité et de ta gentillesse.

        Garance

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