• "C’était à Bethléem à la pointe du jour. L’étoile venait de disparaître, le dernier pèlerin avait quitté l’étable, la Vierge avait bordé la paille, l’Enfant allait dormir enfin. Mais dort-on la nuit de Noël ?…

    Doucement la porte s’ouvrit, poussée, eût-on dit, par un souffle plus que par une main, et une femme parut sur le seuil, couverte de haillons, si vieille et si ridée que, dans son visage couleur de terre, sa bouche semblait n’être qu’une ride de plus.

    En la voyant, Marie prit peur, comme si elle avait été quelque mauvaise fée qui entrait. Heureusement Jésus dormait ! L’âne et le bœuf mâchaient paisiblement leur paille et regardaient s’avancer l’étrangère sans marquer plus d’étonnement que s’ils la connaissaient depuis toujours. La Vierge, elle, ne la quittait pas des yeux. Chacun des pas qu’elle faisait lui semblait long comme des siècles.

    La vieille continuait d’avancer, et voici maintenant qu’elle était au bord de la crèche. Grâce à Dieu, Jésus dormait toujours. Mais dort-on la nuit de Noël ?…

    Soudain, il ouvrit les paupières, et sa mère fut bien étonnée de voir que les yeux de la femme et ceux de son enfant étaient exactement pareils et brillaient de la même espérance.

    La vieille alors se pencha sur la paille, tandis que sa main allait chercher dans le fouillis de ses haillons quelque chose qu’elle sembla mettre des siècles encore à trouver. Marie la regardait toujours avec la même inquiétude. Les bêtes la regardaient aussi, mais toujours sans surprise, comme si elles savaient par avance ce qui allait arriver.

    Enfin, au bout de très longtemps, la vieille finit par tirer de ses hardes un objet caché dans sa main, et elle le remit à l’enfant.

    Après tous les trésors des Mages et les offrandes des bergers, quel était ce présent ? D’où elle était, Marie ne pouvait pas le voir. Elle voyait seulement le dos courbé par l’âge, et qui se courbait plus encore en se penchant sur le berceau. Mais l’âne et le bœuf, eux, le voyaient et ne s’étonnaient toujours pas.

    Cela encore dura bien longtemps. Puis la vieille femme se releva, comme allégée du poids très lourd qui la tirait vers la terre. Ses épaules n’étaient plus voûtées, sa tête touchait presque le chaume, son visage avait retrouvé miraculeusement sa jeunesse. Et quand elle s’écarta du berceau pour regagner la porte et disparaître dans la nuit d’où elle était venue, Marie put voir enfin ce qu’était son mystérieux présent.

    Ève (car c’était elle) venait de remettre à l’enfant une petite pomme, la pomme du premier péché (et de tant d’autres qui suivirent !) Et la petite pomme rouge brillait aux mains du nouveau-né comme le globe du monde nouveau qui venait de naître avec lui."

    NAISSANCE DU SAUVEUR RECONNAISSANCE DU MONDE

    Jérôme et Jean Tharaud.

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  • Depuis bientôt neuf mois, l'enfant attend,
    caché au creux du ventre de sa mère.
    Depuis neuf mois, il se nourrit de sa chaleur et de sa tendresse.
    Il sent vibrer ses moindres paroles.
    Depuis bientôt neuf mois, il attend d'être prêt pour naître.

    Il ne sait pas encore que beaucoup l'attendent,
    qu'ils se nourriront de sa chaleur et de sa tendresse,
    qu'ils écouteront ses moindres paroles.
    Il ne sait pas encore que beaucoup sont prêts
    pour naître avec lui à la vie de Dieu.

    Cet enfant, bientôt, on l'appellera Jésus. 

    Benoît Marchon

     

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  • LA CHINE 6 TEMPLES ET POUVOIRS DES MOINES SHAOLIN

     

     

    L'esprit Shaolin

    Lao-Tseu résume l'art de Shaolin ainsi :

    « L'homme vient au monde tendre et souple ; à sa mort, il est dur et figé. Les plantes fraîches sont délicates et pleines de vie ; mortes, elles sont rêches et desséchées. Le figé et l'inflexible sont l'élève de la mort, tandis que le doux et souple sont l'élève de la vie. Une armée qui ne sait pas s'adapter ne remporte jamais une bataille. Un arbre qui ne plie pas se brise facilement. Ce qui est dur et fort périra ; ce qui est doux et faible durera. »

     

    L’Histoire millénaire du monastère et des moines de Shaolin 

    Le monastère de Shaolin, magique et mystérieux, s'élève au coeur de la Chine, dans la province du Henan, sur le Mont Songshan, l'une des cinq montagnes sacrées de ce gigantesque pays. Shaolin signifie"jeune forêt".

    Le fameux monastère fut construit en 495 de notre ère par le moine indien Batuo, avec le soutien de l'empereur Xiaowen des Wei du Nord (386-534), une dynastie qui propagea le bouddhisme en Chine. Cependant la renommée du monastère sera assurée par un autre moine indien, Bodhidharma, qui arriva en Chine en 527 et s'installa à Shaolin pour mettre en pratique ses préceptes philosophiques. Il fut le fondateur du bouddhisme chinois Chan, qui deviendra le Zen au Japon. La légende dit qu’il resta neuf ans en méditation face à un mur, pour abstraire l'idée du monde extérieur.

    Les moines passant de longues heures immobiles en méditation, il s'avéra nécessaire de leur faire faire de l'exercice pour préserver la santé de leur corps et leur faculté de concentration. Il mit au point le Xingyiquan, boxe de la forme et de la volonté, qui serait l'ancêtre du Wushu, divisé aujourd'hui en de nombreuses écoles.

    Cette technique fut, à l'origine, secrète : les moines craignaient qu’elle ne fût utilisée à de mauvaises fins. Elle fût d'ailleurs vite détournée de son but premier. Shaolin abrita ainsi jusqu'à 5000 moines guerriers, en fait un bataillon impérial, souvent utilisé dans les luttes intestines. La Boxe de Shaolin se répandit alors et vécut un âge d'or de plusieurs siècles, devenue par la force des circonstances un art d'attaque et de défense.

    Aujourd'hui les arts martiaux se divisent généralement en trois catégories : la boxe ou exercices à mains nues, les exercices avec armes et les exercices de combat. Il semble évident que les moines ne les pratiquaient pas tous mais se spécialisaient seulement dans une ou deux disciplines. Il en est de même aujourd'hui.

    LA CHINE 6 TEMPLES ET POUVOIRS DES MOINES SHAOLIN

    Détruit partiellement à plusieurs reprises, abandonné, incendié par les Mandchous, le Temple de Shaolin fut chaque fois restauré. Peu à peu, sa renommée s'étendit à toute la Chine. Douze empereurs y vinrent en pèlerinage. Et les moines devinrent des personnages légendaires.

    En 1928, le Temple fut une nouvelle fois incendié. La plupart des moines s'enfuirent à travers le pays. Seuls quelques-uns survécurent dans les ruines. Les manuscrits avaient brûlé mais grâce à la tradition orale, l'esprit de Shaolin fut sauvegardé. Les plus âgés d’entre eux permirent de perpétuer les rites anciens. A la fin des années 70, le monastère fut rebâti tel que l’on peut l’admirer aujourd'hui et plus particulièrement la Forêt aux Pagodes où les élèves dressaient des monuments à la mémoire de leurs défunts maîtres. 

    De nombreux adeptes de tous âges, désireux d'acquérir un enseignement spirituel et physique, sont initiés par des maîtres aux secrets du combat et à la religion bouddhiste et taoïste. Bien sûr, tous ne deviendront pas moines, mais le diplôme chinois d'Arts Martiaux qui sanctionne leur enseignement - le meilleur du pays - leur permet de professer à leur tour dans les académies chinoises de kung-fu, de devenir garde du corps ou encore membre d'une troupe de parade. Ils deviennent l'élite du pays et toutes les portes s'ouvrent devant les jeunes diplômés.

    (source : blesesprod.com

    LA CHINE 6 TEMPLES ET POUVOIRS DES MOINES SHAOLIN

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  • LA BRETAGNE SURNATURELLE

    Connaissez-vous l’histoire de ce jeune homme de Trézélan en Côtes-d’Armor qui, par nuit de pleine lune, entendit sur le chemin où il menait ses bêtes, le grincement de la charrette de l’Ankou, l’ouvrier de la mort ? Il se cacha dans un buisson pour apercevoir cet échalas à la funeste réputation, bien connu des Bretons. Lorsque la charrette, malgré un souci d’essieu, poursuivit sa route, il fut soulagé de n’avoir pas été inquiété par ce valet morbide. On raconte cependant qu’au matin une fièvre inconnue le terrassa, et il mourut...

    Les légendes à l’image de celle-ci hantent la Bretagne. Ce ne sont pas à proprement parler des fictions ni vraiment des contes, plutôt des récits populaires, transmis par le bouche-à- oreille. Viennent s’y mêler mystique chrétienne, légendes médiévales et culture druidique. Sur cette terre celtique, soumise aux forces de la nature, la limite entre le merveilleux et le monde réel est poreuse. Des âmes errantes au petit peuple des korrigans, les esprits y sont légion. « Les éléments merveilleux que ces légendes renferment ne sont pas des éléments surajoutés ; c’est d’événements surnaturels qu’est tissée la trame même dont elles sont faites », peut-on lire dans La légende de la mort, ouvrage de référence sur l’imaginaire breton.

    Brocéliande, en quête du Graal


    Entrelacs de roches, d’arbres noueux, de landes et d’étangs, rarement un lieu n’a suscité autant d’enchantements, brouillant la limite entre mythe et réalité. Car Brocéliande est avant tout une forêt imaginaire, citée dans plusieurs textes, en lien pour la plupart avec la légende arthurienne. Depuis le milieu du XIXe siècle, Brocéliande est assimilée géographiquement à la forêt de Paimpont, située à une quarantaine de kilomètres de Rennes. La seule évocation de ce berceau de la légende du roi Arthur réveille un monde merveilleux, peuplé de Merlin l’enchanteur, de la fée Viviane ou encore des chevaliers de la Table ronde. Tous campent au cœur du principal ensemble de légendes médiévales, orchestrées par les romans de Chrétien de Troyes. De la fontaine de Barenton au tombeau de Merlin, nombreux sont les sites à attirer touristes et adeptes du néo-druidisme. « Au-delà de ces aspects, arrêtons-nous, au seuil de Brocéliande, sur la notion de l’Autre monde, conception celtique du monde surnaturel. Monde des dieux, des fées, des esprits, dont ceux des morts, il ne se situe pas dans le lointain du temps et de l’espace. Il double le nôtre en tout lieu et à tout moment ; il en est solidaire, parfois dépendant. Sa frontière, qui prend souvent la forme de rivières ou de lacs, peut s’abolir. Brocéliande fait partie des portes de l’Autre monde, par lesquelles l’homme peut accéder au surnaturel », éclaire Claudine Glot, présidente du Centre de l’imaginaire arthurien (voir Carnet de voyage), situé dans le château de Comper.
     

    LA BRETAGNE SURNATURELLE


    Là, dit-on, l’enchanteur Merlin aurait construit pour la fée Viviane un palais de cristal, caché par les eaux des étangs. Dans ce domaine enchanté, elle éleva Lancelot pour en faire le meilleur des chevaliers de la Table Ronde. Amoureuse de Merlin, Viviane lui lança un sortilège (avec son consentement) pour le conserver auprès d’elle. Emprisonné par neuf cercles immatériels, Merlin est « invisible mais présent, dans la communion des arbres, des animaux et des étoiles », dévoile Claudine Glot. Non loin de là s’élève le Val sans retour. 

    L’Autre monde, conception celtique du monde surnaturel. Monde des dieux, des fées, des esprits, dont ceux des morts.

    Suite au sort jeté par Morgane (sœur d’Arthur), trahie par l’un de ses amants, on raconte que les infidèles restent prisonniers d’une invisible muraille et perdent la notion du temps... Derrière la légende, se trouve une explication rationnelle : composé de schiste rouge, le Val égarerait ses visiteurs en raison de la présence de minerai de fer qui affole les boussoles et les esprits... 


    Ce tour en forêt de Brocéliande nous amène à l’église du Graal (dédiée à sainte Onenne), située dans le petit village de Tréhorenteuc. En 1942, cette église a été sauvée des ruines par l’abbé Gillard. Sensible à ce que les lieux émanent d’indicible, l’abbé ne voit pas d’opposition entre la parole qu’il doit transmettre et les mythes dont il entend bruire la forêt. Il entreprend donc de ressusciter les murs et la foi vacillante de ses fidèles en mettant en valeur l’évangile à travers le mythe initiatique du Graal – ce serait le seul sanctuaire à avoir célébré la coupe mystérieuse. Pour cet homme d’Église atypique et controversé, qui se voit en héritier et successeur des druides, la foi est la même à travers toutes les religions. Passionné de symbolisme, il se montre curieux de la mystique des nombres et des couleurs, et adepte du zodiaque – d’où les signes et les symboles qui décorent généreusement l’édifice. Le chemin de croix a fait jaser : à la 9ème station, Jésus tombe pour la troisième fois... aux pieds de la fée Morgane, très légèrement (dé)vêtue d’une robe rouge. À la 13e station, Joseph d’Arimathie recueille le sang du Christ dans le Graal. 

    Ce même Graal que l’on retrouve sur trois vitraux du chœur et sur la mosaïque dévoilée en 2014, après avoir déplacé l’autel qui la masquait depuis probablement cinquante ans. Autre oeuvre clé, la mosaïque du cerf blanc témoigne là encore de la fusion entre la spiritualité chrétienne et l’esprit celtique. Le cerf blanc et les quatre lions rouges illustrent un épisode de la quête du Graal où Galaad aperçoit ces animaux surnaturels qui se révèlent être Jésus et les évangélistes. Dans les textes arthuriens, le cerf guide parfois les héros vers leur destin, comme il conduisait les âmes des défunts dans les anciennes religions. Le décor, lui, nous ramène à Barenton, autre lieu sacré de Brocéliande, avec les arbres, le ruisseau et le perron de Merlin. Plus largement, l’église du Graal, à l’image de cette quête éternelle, nous invite à une aventure intérieure. Une inscription mystérieuse nous le rappelle : « La porte est en dedans. »

    Huelgoat : gare à Gargantua


    L’autre fabuleuse forêt bretonne, Huelgoat... Moins courue que la forêt de Paimpont, celle-ci conserve une part de mystère, enfouie dans les incroyables chaos rocheux qui affleurent de toutes parts. Le Ménage de la Vierge, le Champignon, la Roche cintrée, le Fauteuil du diable : autant de noms évocateurs de légendes pour ces pierres animées. Mais c’est surtout la Roche tremblante (Roch’a kren) qui attise l’imaginaire. « La pierre branlante dont les cent tonnes oscillent avec des grâces éléphantines sous quelques poussées rythmées », nous dit Victor Segalen, est érodée de telle façon qu’elle repose en équilibre sur son arête et oscille si l’on accompagne son mouvement depuis un point précis. Il n’en fallait pas plus pour lui conférer une aura magique. Elle fait partie d’un type de pierres autrement appelées « roulées », dans lesquelles les druides voyaient le symbole de la puissance de Dieu. Il y a bien sûr, dans ce phénomène chaotique, des explications géologiques... mais moins poétiques que la version légendaire. On raconte notamment que Gargantua, de passage à Huelgoat, se serait arrêté à l’orée de la forêt. Tenaillé par la faim, il demanda aux habitants une pitance. Ceux-ci ne purent lui offrir qu’une bouillie de blé noir, plat fruste que le géant n’apprécia que modérément. Furieux, il s’en alla vers le pays de Léon (Nord-Finistère), terroir alors plus prospère, et jura de se venger. Il désempierra donc tout le Léon pour jeter les roches sur Huelgoat.

    « Actuellement, on parle de Gargantua, mais quand j’étais jeune, on parlait d’un géant venu d’Irlande », avait coutume d’expliquer le conteur Jean-Marie Le Scraigne, aujourd’hui décédé. L’occasion de rappeler l’importance du minéral dans l’imaginaire breton, et plus largement celtique. L’animisme propre aux pierres fait d’elles des êtres dotés de vie, supports rêvés pour les légendes et rituels : les dolmens servent de logis aux fées ou aux korrigans, tandis que d’autres menhirs s’en vont boire à la mer les nuits de Noël...

    Monts d’Arrée, aux portes de l’enfer

    LA BRETAGNE SURNATURELLE

     
    Tournant le dos à la mer, à environ 25 kilomètres au sud de Morlaix, les monts d’Arrée sont diablement sauvages. Une terre de landes, tourbières et mégalithes. L’énergie y est puissante, l’atmosphère étrange. Il paraît qu’on peut y croiser le funeste cortège de l’Ankou, prophète de la mort évoqué plus haut... Quand ce dernier emprunte le chemin de l’Arrée, c’est qu’il est, diton, en « mission », en route pour les tourbières du Yeun Elez, qui occupent une gigantesque dépression au coeur des monts d’Arrée, l’Ellez ayant la triste réputation d’être la rivière des damnés.
    La légende bretonne situe ici même les portes de l’Enfer... « On dirait, en été, une steppe sans limites, aux nuances aussi changeantes que celles de la mer... À mesure qu’on avance, le terrain se fait de moins en moins solide sous les pieds : bientôt on enfonce dans l’eau jusqu’à mi-jambe et, lorsqu’on arrive au coeur du Yeun, on se trouve devant une plaque verdâtre, d’un abord dangereux et de mine traîtresse, dont les gens du pays prétendent qu’on n’a jamais pu sonder la profondeur. C’est la porte des ténèbres, le vestibule sinistre de l’inconnu, le trou béant par lequel on précipite les conjurés. Cette flaque est appelée le Youdig (la petite bouillie) : parfois son eau se met à bouillir. Malheur à qui s’y pencherait à cet instant : il serait saisi, entraîné, englouti par les puissances invisibles », relatait Anatole Le Braz, dans La légende de la mort.
    Si les Celtes y situaient les portes de l’au-delà, les enfants du cru y voyaient leur pire cauchemar, bien vivant celui-là (« Si tu n’es pas sage, tu iras au Youdig »). Vu la nature de cet endroit, pont jeté entre les rives, on ne s’étonnera pas qu’il soit un haut lieu d’exorcisme. Si l’on est poursuivi par l’âme d’un damné, le seul remède consisterait à se rendre près du Youdig avec un exorciste. « Lorsque la conjuration sera achevée, on verra soudain s’enfuir et disparaître dans la tourbe un chien noir aux yeux de braise. C’est le maudit qui dès lors ne se manifestera plus », partage Gwenc’hlan Le Scouëzec, dans Bretagne Mystérieuse. Par un curieux clin d’oeil de l’histoire, ce fut aussi le site de la centrale nucléaire des monts d’Arrée, fermée depuis 1985 et toujours en cours de démantèlement délicat... (...)
     
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  • CATHEDRALE DE CHARTRES : UN MIROIR ALCHIMIQUE

    Depuis sa crypte ancrée dans la terre jusqu’à ses tours dressées vers le ciel, en passant par son labyrinthe et ses vitraux, ce monument invite symboliquement à un chemin de transformation. Conjuguant, au fil des siècles, tradition celtique, pensée chrétienne et quête alchimique, la cathédrale de Chartres est un écrin de spiritualité.

    La cathédrale de Chartres n’est ni la plus grande, ni la plus haute, ni la plus ancienne de France. Pourtant, elle interpelle les visiteurs. Située sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, à 80 kilomètres au sud-ouest de Paris, en Eure-et-Loir, elle est depuis toujours un phare qui guide les pèlerins, païens comme chrétiens. Édifiée sur un site mégalithique que les Celtes et les Gaulois se sont tour à tour approprié, elle a été plusieurs fois détruite et reconstruite. On suppose que son premier bâtiment date du IVe siècle. Aujourd’hui considérée comme la cathédrale gothique la plus représentative et la mieux conservée de France, elle a pris racine sur les ruines de l’ancienne cathédrale romane – oeuvre de l’évêque Fulbert – qui a brûlé en partie à la fin du XIIe siècle. Ainsi peut-on découvrir un joyau architectural combinant différents styles et traditions, modelé au fil du temps, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979. Une histoire qui ne fait que renforcer sa superbe, sa puissance et sa singularité. La cathédrale de Chartres inspire assurément un profond souffle mystique.


    La lumière alchimique



    Si elle est un monument chrétien édicté selon les règles de l’art sacré, elle recèle aussi de nombreux messages de la quête alchimique, à l’intérieur comme à l’extérieur. Patrick Burensteinas, ingénieur en physique des matériaux et alchimiste, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, dont un sur Chartres (1), explique : « Sur la façade de la cathédrale, on peut découvrir un Christ à l’intérieur d’une mandorle, évoquant un seuil qui permettrait d’accéder à un autre monde. Le Christ laisse passer la lumière sans aucune résistance, pour aller du terrestre vers le céleste... » On retrouve là une caractéristique de la fameuse « pierre philosophale », si chère aux alchimistes. Cette pierre permettrait de transformer les métaux vils en métaux précieux, comme le plomb en or, mais aussi de métamorphoser la matière en lumière. Et justement, de ses fondations tournées vers la terre à son toit dressé vers le ciel, en passant par sa crypte, ses tours ou son labyrinthe, la cathédrale de Chartres invite à un voyage, de l’ombre vers la lumière.


    Un fort courant tellurique

    CATHEDRALE DE CHARTRES : UN MIROIR ALCHIMIQUE


    Au sous-sol, la crypte nous révèle bien des mystères et nous permet d’entrer dans les profondeurs de l’Histoire. Elle a été construite sur un tertre abritant un dolmen, sans doute encore enfoui sous la nef. « Le dolmen est situé en un lieu où le courant tellurique a sur l’homme une action spirituelle », souligne l’écrivain Louis Charpentier dans son livre référence sur Chartres (2). À cette énergie provenant de la terre se combine celle venant du ciel, selon la position des astres. Une énergie qui va remplir les pierres des murs de la cathédrale et se diffuser à travers ses vitraux pour réaliser le « Grand OEuvre »« Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose », révèle La Table d’émeraude d’Hermès Trismégiste, le texte fondateur de l’alchimie occidentale. C’est ainsi que l’on passe de « l’OEuvre au noir », le travail de l’ombre, à « l’OEuvre au blanc », permettant l’union de l’esprit et de l’âme, puis à« l’OEuvre au rouge », la rubédo, unifiant esprit, corps et âme.


    La Vierge et la lumière



    La Vierge noire se présente ainsi comme un doux reflet de la matière première, vierge, que l’on décompose au cours de « l’OEuvre au noir », selon Fulcanelli ( 3). L’enfant qu’elle porte serait alors le fruit de la pierre philosophale. La cathédrale de Chartres en possède deux, Notre-Dame-sous-Terre dans la crypte et Notre-Dame-du-Pilier, dans la nef. « Celle-ci a un étrange rapport avec la quête alchimique. Alors qu’elle permet de libérer les chrétiens de leurs péchés, elle nous offre l’occasion de corriger nos scories, qui nous empêchent de recevoir la lumière », souligne Patrick Burensteinas. 

    La cathédrale de Chartres invite à un voyage, de l’ombre vers la lumière.

    Comme tous les alchimistes, ce dernier entre dans la cathédrale par le portail nord parce que la lumière y est la plus faible, pour suivre un chemin s’éclaircissant peu à peu, et invite à toucher la pierre de décharge afin de nettoyer la poussière qui encombre son esprit. Faisant ensuite le tour du chœur en suivant le chevet de la cathédrale, il découvre le zodiaque de lumière après être passé par le zodiaque de pierre. C’est ainsi qu’il passe naturellement de la matière à l’esprit. La lumière intérieure de la cathédrale de Chartes se déploie à travers ses nombreux vitraux datant du XIIe siècle. Elle détient le record de 2 500 mètres carrés de verrières ! Leurs couleurs sont fascinantes. Pour le fameux bleu de Chartres, unique en son genre, quasiment inimitable, les artisans verriers utilisaient des poudres métalliques noyées à l’intérieur du verre. Ce qui renvoie au procédé alchimique, explique Patrick Burensteinas : « Grâce au mécanisme de réfraction, la poudre d’or à l’intérieur du verre change de fréquence et produit du rouge, couleur associée symboliquement au soleil, et la poudre d’argent renvoie du bleu, couleur de la lune. Quand les deux sont associées à travers un vitrail, on a l’illusion de voir du violet, qui est la dernière couleur visible du spectre terrestre, mais aussi la première couleur du monde d’au-dessus, celle de la spiritualité. » Encore une invitation à s’élever… La cathédrale de Chartres recèle d’ailleurs l’un des vitraux les plus connus au monde, « Notre-Dame-de -la- Belle-Verrière », au centre duquel apparaît Marie sur son trône céleste.
     

    CATHEDRALE DE CHARTRES : UN MIROIR ALCHIMIQUE

    Des tours asymétriques


    Faisant face à la plaine de la Beauce, deux tours, complètement différentes, tant en termes esthétiques que symboliques, surgissent de la cathédrale, créant ainsi le lien avec le ciel. Surmontée d’une girouette représentant une lune, la première témoigne d’une architecture romane datant du XIIe siècle et se réfère à la polarité féminine. La seconde, au style gothique flamboyant, achevée au XVIe siècle et dominée par un soleil, renvoie à l’énergie masculine. « Logiquement, la tour du soleil devrait être exposée au sud et celle de la lune au nord. Or, c’est l’inverse. Cette position ne relève pas d’un hasard. Elle a été déterminée volontairement en fonction du passage dans le sol des énergies telluriques, ceci par souci d’équilibre », explique l’historien Michel Deseille, qui propose lui aussi une lecture alchimique de la cathédrale de Chartres. Tout semble se compléter, se combiner et circuler comme pour aider à se transformer intérieurement, entre différents éléments et polarités. « Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l’a porté[e] dans son ventre ; la Terre est sa nourrice », lit-on encore en écho dans La Table d’émeraude.

    Un labyrinthe symbolique

    CATHEDRALE DE CHARTRES : UN MIROIR ALCHIMIQUE



    Situé au fond de la nef, face à l’autel, le labyrinthe de Chartres a généré de nombreuses interprétations depuis son tracé à la fin du XIIe siècle. Quand certains se réfèrent à un pèlerinage symbolique vers la Jérusalem céleste ou à un rituel pascal, d’autres évoquent encore un symbole alchimique. « Il est comme un escalier qui nous fait monter dans l’esprit. Il nous invite à un cheminement dans notre propre conscience », explique Patrick Burensteinas. Dans cette quête, le labyrinthe représente les multiples difficultés que l’on rencontre sur le chemin. Certains racontent même que celui de Chartres serait capable d’agir sur la matière et, qui sait, peut-être de modifier notre perception du réel... Pour Louis Charpentier, celui-ci n’est pas à proprement parler un labyrinthe, en ce sens qu’il est impossible de s’y égarer, car il n’existe qu’un chemin qui mène au centre. Toujours est-il que depuis des millénaires, des milliers de pèlerins s’y aventurent, tantôt pour trouver la pierre philosophale, tantôt pour s’ouvrir progressivement au Christ, ou tout simplement pour trouver harmonie et équilibre, dans une quête de transformation intérieure.
     
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